Le militantisme est une entreprise capitaliste
Court billet critique sur le militantisme professionnel.
Il est fascinant de voir arriver de nouveaux collectifs partisans à gauche. Ceux-ci trouvent un nom, un logo, se démultiplient, proposent des encadrements, bref, ils ont ouvert leur boite.
Le militantisme est un milieu concurrentiel. Quand il profite des niches identitaires, il s'empresse de diffuser sa marque, d'engager et d’engranger des fonds.
Ce militantisme, assez typique de la gauche radicale contemporaine, est pourtant vocalement anticapitaliste. Lae militant·e parle et agit pourtant comme le dernier des patrons. Avant même qu'un projet politique, qu'une action même, ne soit proposée, il est important de déposer une marque, de la distribuer. Son militantisme multiplie les franchises, se fait publicitaire, pétitionnaire, vocal. Il marche beaucoup, s'égosille.
Mais ça n'est pas tout. Le militantisme, en + de créer une marque, propose une culture d'entreprise. Il forme, fournit les éléments de langage qui feront peut-être la future entreprise militante de demain et l'ensemble des réseaux qui en dépendront.
Dans le militantisme professionnel, les militant·es détestent l'idée d'autonomie. Imaginer qu'on puisse... quoi ? Mettre en place des groupes en fonction d'une action ? Pourquoi faire ? Vous savez ce que vous faites ?!
L'autonomie n'est certes pas parfaite, me rappelle-t-on souvent. D'ailleurs il y a aussi un pan de l'autonomie, prospère lors du fameux "mouvement des gilets jaunes", qui a montré son amour pour le populisme, l'agitprop, et qui a finalement rejoint le reste de la gauche lorsqu'il le fallait.
Les orgas sont des pépinières militantes, forment les cadres, les fourmis de "la vraie lutte" qui ramèneront les moutons dans le giron de la gauche.
On n'arrivera pas au grand soir sans notre drapeau camarade ! Comment ça tu veux me l'interdire ?! Mais comment savoir que c'est politique ?! Et le respect des luttes tu en fais quoi ?!
La lutte contre le capitalisme, non pas cette espèce de fiction portée aux nues par la gauche radicale, hors d'elle-même et hors l'Etat, mais contre les institutions bien réelles du capitalisme, est importante. Elle passe aussi par refuser le logiciel entrepreneur.
Le capitalisme n'est pas un mot d'ordre, pas une structure éternelle. Il a un début, un développement, il y a même des capitalismes. Le capitalisme ce n'est pas non plus "la lutte des classes".
Le capitalisme a ses normes, ses dispositifs, ses institutions, son lien organique avec l’État, le capitalisme c'est une production constante qui n'est pas limitée à la bourgeoisie. Il concerne toute la société française, mais aussi + largement tous les pays où des institutions capitalistes se développent.
Le capitalisme se régule, mute, s'administre, produit ses instances de régulation.
La gauche radicale était léniniste, donc autoritaire. Elle est maintenant léniniste et capitaliste.