Banderole « "Le féminisme est intersectionnel, non aux TERFs, non aux SWERFs" »

Photo de Charles Hutchins

TERF : ce que ça veut dire et d'où ça vient

Traduction 28 mai 2022

Source: TERF: what it means and where it came from

Autrice: Cristan Williams

Traducteurice: MaddyKitty

Publié initialement: 15 mars 2014

Dans l'article, c'est Viv Smythe qui utilise le pseudonyme TigTog.

Cet article a été traduit avec l'accord de l'autrice.


Présentation du projet The TransAdvocate, d'où est issu l'article traduit :

The TransAdvocate existe pour donner une voix aux défenseurs des trans dans un nouvel environnement médiatique. TransAdvocate.com a été créé en 2002 par Marti Abernathey. Cristan Williams est devenu rédactrice en chef du projet en 2012.

En 2019, la Bibliothèque du Congrès des États-Unis a sélectionné TransAdvocate pour l'inclure dans sa collection historique de documents Internet liés aux archives Web des études LGBTQ+.


Les féministes radicales trans-exclusionnistes vont vite en conjecture sur le terme TERF. Selon elles, ce terme est en fait injurieux, et son utilisation misogyne.

D'autres estiment qu'il est insultant, hyperbolique, trompeur et même diffamatoire.

Allen appelle en fait à ce que davantage de personnes reconnaissent les féministes radicales comme un groupe haineux, et adopte ensuite le terme TERF pour les désigner tout au long de l'article. Ne vous y trompez pas, c'est un terme injurieux. TERF n'a rien de descriptif, c'est une insulte. Ce qualificatif est hyperbolique, trompeur et même diffamatoire. Il invite à l'escalade et ne sert pas à faire avancer la conversation.

Elizabeth Hungerford (2013), avocate TERF et figure publique

Dans le discours féministe et trans, ce terme désigne un type précis de personne qui enrobe son sectarisme anti-trans dans un langage féministe. L'une des caractéristiques du discours TERF est qu'il tend à ressembler à la rhétorique anti-trans qui émane des groupes d'extrême droite.

Le Gender Identity Watch (GIW) est considéré comme un groupe haineux et a l'habitude de travailler avec un autre groupe haineux bien connu.

📌
L'autre groupe s'appelle le Pacific Justice Institute (PJI).
Il est fondé en 1997 par Brad Dacus.
Le groupe est connu pour avoir comparé le mariage gay, et donc les communautés LGBTIA+ à la montée d'Hitler et du parti NSDAP en Allemagne. Le groupe lutte également de longue date contre l'interdiction des thérapies de conversion.
Pour en savoir plus : https://www.splcenter.org/fighting-hate/extremist-files/group/pacific-justice-institute

Gardez en tête cette affirmation faite par le GIW lorsque vous lirez l'entretien que j'ai effectué avec une des féministes cisgenres responsable de la popularisation du terme TERF comme concept féministe.

Définir TERF: entretien avec la personne qui l'a popularisé

Cristan Williams : D'après ce que je peux constater, votre usage du mot est la plus ancienne. Le terme est devenu assez courant dans le discours trans.
TigTog : Lauredhel et moi sommes plutôt sûres d'avoir commencé par utiliser radfem trans-exclusionniste (TERF) comme un terme descriptif dans nos propres discussions un peu avant son utilisation dans cette publication.
C : Les TERFs ont fait quelques affirmations sur votre contribution lexicale au discours féministe. Par exemple : “TERF n'a rien de descriptif, c'est une insulte. Ce qualificatif est hyperbolique, trompeur et même diffamatoire.”
T : Ce n'était pas censé être insultant. Il s'agissait d'une description technique, neutre, d'un groupe militant. J'ai remarqué que depuis que le terme s'est répandu, de nombreuses personnes semblent utiliser trans-exclusif plutôt que trans-exclusionniste ou trans-excluant, et je pense que cela conduit à une ambiguité exploitable. Il est possible d'interpréter trans-exclusif comme “discours qui porte exclusivement sur les questions trans*” (ce qui pourrait à juste titre être considéré comme une critique du reste de leur féminisme), tandis que trans-exclusionniste est plus spécifique et indique que leur exclusion des voix et des corps trans* d'être considérés comme des femmes/féministes est central.
C : Je trouve intéressant que ce terme provienne de la communauté féministe et ait été créé par une femme cisgenre. Je pense que l'on a supposé qu'une personne transgenre avait inventé le terme au cours de l'année dernière ou environ. Y a-t-il eu un incident spécifique, ou une accumulation d'incidents, qui vous a conduit à défendre l'utilisation de ce terme ?
T : Nous voulions distinguer les TERFs des autres féministes radicales avec lesquelles nous étions engagées et dont la position vis-à-vis des questions trans était positive ou neutre, parce que nous avions plusieurs années d'histoire d'engagement commun avec des féministes radicales non-exclusionnistes. Et soudainement, des commentaires/publications TERFs semblaient faire irruption dans les espaces féministes radicaux où ils détournaient des dizaines de discussions, et ça amenait beaucoup de frustration. Il est possible que l'une d'entre nous ait repris ce terme, ou un terme similaire, lors d'une discussion IRC ailleurs, puis que nous l'ayons toutes deux adopté/adapté pour nous-mêmes, en le transformant peut-être d'un autre sigle en un acronyme, car nous apprécions toutes deux l'utilité des acronymes pour simplifier le discours.
C : Vous semblez être offensée personnellement de l'occupation de l'identité féministe radical par un groupe anti-trans. Est-ce parce que vous vous êtes identifiée comme une RadFem et/ou que vous avez des amies RadFem qui ont été frustrées par l'occupation de leur identité féministe, RadFem étant devenu synonyme d'anti-trans ?
T : Je ne suis pas tant offensée personnellement que préoccupée par les usages. J'ai cependant sympathisé avec plusieurs RadFems, que je connaissais et qui estimaient que mAndrea et ses camarades ne parlaient pas en leur nom et perturbaient les autres discussions en les orientant sur une position anti-trans*. À l'époque, j'écrivais encore activement des FAQ pour le blog Finally, A Feminism 101, et se sentir concernée sur les usages des différents courants du féminisme était une seconde nature (NdT : pour moi).
C : Certaines TERFs ont affirmé que les autres n'avaient pas le droit de faire une distinction entre Trans-exclusionnistes RadFems (TERFs) et RadFems.
T : L'idée qu'un groupe puisse refuser à d'autres le droit de faire des distinctions entre des opinions/positions tenues par d'autres membres de ce groupe semble absurde. Bien sûr, on ne peut obliger personne qui porte une position TERF à adopter pour elleux-même l'étiquette TERF, mais elles peuvent toujours choisir de s'identifier différemment. Après tout, le RadFem est également une étiquette choisie par certaines féministes pour se distinguer des autres féministes, et ces autres féministes se sentent insultées que ce qu'elles font n'est pas considéré comme suffisamment radical pour appartenir à l'étiquette RadFem. Voir aussi la distinction womaniste/féministe. Cette distinction entre différents courants du miltantisme intervient à chaque fois que des mouvements sociaux grandissent, se développent et réagissent aux changements internes ou externes.
C : D'autres affirment que TERF est un terme insultant. Comment y répondriez-vous ?
T : Il n'a pas été conçu comme tel. À l'origine, l'acronyme TERF ne semblait pas avoir beaucoup de succès, et je n'ai donc pas vraiment suivi son évolution. Depuis que son usage s'est démocratisé, il ne fait aucun doute que certaines personnes l'utilisent comme une insulte. La même chose est arrivée à “féministe radicale” et aussi à “féministe”.  Tout mot qui identifie un groupe peut être et sera utilisé comme une insulte par ceux qui trouvent ce groupe difficile, mais cela ne signifie pas que le mot est fondamentalement/toujours/uniquement une insulte.
C : Que pensez-vous de l'impact que vous avez eu sur le discours féministe (en ce qui concerne votre contribution lexicale) ?
T : Je ne sais pas vraiment. Cet acronyme nous a semblé utile, à moi et à Lauredhel dans nos discussions (et comme je l'ai dit plus haut, nous ne sommes pas vraiment sûres de l'avoir inventé en tant que tel, mais plutôt de l'avoir adopté/adapté). Nous pensions qu'il pourrait être utile à d'autres sur des sujets similaires, nous l'avons donc partagé avec nos co-blogueuses dans certaines de ces discussions. Sur le fait qu'il ait fini par s'imposer et que les gens continuent à le trouver utile après 5 ans, et que c'est maintenant une étiquette que les TERFs ressentent le besoin de repousser ? C'est certainement intriguant, mais je ne ressens aucun droit de propriété sur ce terme (le langage est une construction collective qui évolue par ses usages, après tout). Je voulais communiquer quelque chose de clair à l'époque, et ça a marché. Le fait qu'il fonctionne toujours pour les personnes engagées dans le débat actuel sur l'inclusion/exclusion des trans* est certainement satisfaisant à plusieurs niveaux.

Contrairement au suivi du terme transgenre, celui de TERF était plus simple car le terme est assez jeune et a été popularisé sur internet. Ce qui suit est un compte-rendu des premiers usages et de l'adoption du terme :

17/08/2008, "il aligne implicitement toutes les radfems avec les activistes radfem trans-exclusionnistes (TERF), ce qui me déplaît".

Quelques jours plus tard, TigTog a clarifié sa position :

De nombreuses féministes radicales acceptent les femmes trans et sont souvent des alliées actives. Seule une minorité bruyante est trans-exclusionniste, particulièrement sur internet.

Grammaticalement,  le “trans-exclusionniste” placé devant (NdT : derrière en français, puisqu'il qualifie, tout comme radicale, le mot féministe. C'est donc une féministe qui s'identifie comme radicale et qui a des pratiques/positions exclusionnistes) “féministe radicale” dans l'acronyme signifie qu'il modifie “féministe radicale”, ce qui décrit un sous-ensemble. De la même manière que le terme italo-américain ne signifie pas que tous les Américains sont ethniquement italiens, il décrit simplement un sous-ensemble d'Américains.

TigTog, 8/20/2008

Et de là, le terme s'est propagé à d'autres blogs féministes :

Unapologetically Female (2008)

La conversation suivante est éclairante :

TigTog :

Merci pour tes compliments, Tracey. J'aurais simplement souhaité que le titre et la phrase d'introduction de ton billet soient différents. Je dénonce les radfems trans-exclusionnistes (TERF), et je ne suppose certainement pas que toutes les radfems sont d'accord avec elles. J'ai moi-même une tendance radicale assez forte après tout, et je ne suis certainement pas d'accord avec eux.
Tracey:

Bien vu, TigTog. En fait, j'ai réfléchi à deux fois à ce titre avant de le poster, et je vois maintenant que j'aurais probablement dû suivre mon instinct. Je vais le changer maintenant.
TigTog:

Merci pour cette réponse rapide. J'ai également ajouté une clause à mon article pour que cela soit clair dès l'introduction.

Merci aussi pour le lien vers le billet de Womanist Musings, il est merveilleux.

N'hésite pas à adopter et diffuser l'acronyme TERF, s'il te convient.
TigTog:

Oh, je vois que tu as déjà adopté TERF, excellent.
Tracey:

Pas de problème, merci de m'avoir signalé que mon message n'était pas clair, parce que je ne visais pas toutes les féministes radicales. Je ne voulais pas que ce soit perçu comme tel ou que cela en donne l'impression.

Et j'adore “TERF”. J'avais du mal à trouver un moyen de faire cette distinction, mais ce mot fonctionne parfaitement. Merci encore.
The FinallyFeminism101 blog (2008)
Feministe (2013)

TigTog disait :

Depuis que son usage s'est démocratisé, il ne fait aucun doute que certaines personnes l'utilisent comme une insulte. La même chose est arrivée à “féministe radicale” et aussi à “féministe”.  Tout mot qui identifie un groupe peut être et sera utilisé comme une insulte par ceux qui trouvent ce groupe difficile, mais cela ne signifie pas que le mot est fondamentalement/toujours/uniquement une insulte.

Ce point de vue semble généralement échapper aux TERFs. Je suis sûre que certaines personnes utilisent TERF comme s'il s'agissait d'une injure, de la même manière que certaines TERFs utilisent femme trans comme une injure :

En 2008, TigTog parlait de l'occupation du discours RadFem par les TERFs lorsqu'elle disait que les TERFs

uniformisaient implicitement tous les discours RadFem avec ceux des RadFem trans-exclusifs (TERF), ce qui me déplaît.

La communauté féministe a nommé le problème, et le terme TERF est entré dans l'usage courant.

Je peux comprendre pourquoi il est important pour les TERFs de croire que leur idéologie représente le féminisme (le féminisme comme lieu unique, exclusif) au lieu de leur propre idéologie :

[CW mention de viol, transmisogynie]

parce que le fait est que, contrairement aux femmes nées femmes, qui ont tout (littéralement, tout) à perdre de la culture du viol, les transgenres ont au moins quelque chose (tout ?) à gagner. Pour une transfemme, se faire couper la bite et la transformer (à l'envers) en un trou à baiser entre ses jambes la fait se sentir mieux. De la bouche même des transsexuelles, nous savons que ces faux trous atténuent la souffrance des transsexuelles. Transformer leurs bites en préservatifs extra-larges pour que d'autres hommes puissent les pénétrer (ou pas, ouf... c'est mon coup de chapeau aux “lesbiennes transfemmes” d'internet) atténue réellement leur anxiété et leur sentiment de dysphorie.

Blog TERF [TW]

L'idéologie TERF ne parle pas au nom des femmes, des féministes ou des RadFem. Maintenant que la communauté féministe a donné un nom à cette idéologie spécifique, il est plus difficile de faire croire qu'elle représente autre chose qu'elle-même.

Les “femmes trans” ne sont pas et ne seront jamais des femmes ou des lesbiennes. Ce sont simplement des hommes qui tentent de voler notre identité et notre culture... Une façon de commencer à lutter contre leur oppression des lesbiennes et des femmes est de leur refuser ce qu'ils veulent. Au minimum, MERCI d'arrêter de les appeler des “femmes”, de quelque façon, et arrêtez de leur parler en utilisant des pronoms féminins... ils agissent de façon typiquement masculine, intimident et culpabilisent. Tout tourne autour d'eux. Et au diable toute lesbienne qui se met en travers de leur route. Certains ont également appris de quelle façon paraître féminins, mais si vous les interrogez un peu plus, ils reviennent rapidement aux techniques d'intimidation masculines. Quant à ceux qui ont recours à la chirurgie, les hommes font beaucoup de choses bizarres pour leur satisfaction sexuelle, comme s'étrangler pour avoir des orgasmes plus excitants, ce qui a entraîné certains suicides involontaires (comme celui de David Carradine).

Comme le dit Janice Raymond, “Tous les transsexuels violent le corps des femmes en réduisant la véritable forme féminine à un artefact, s'appropriant leur corps pour eux-mêmes.” Cela rappelle en fait L'Invasion des profanateurs de sépultures.

Une des premières cheffes de file TERF, autrice et militante [TW]

📌
L'Invasion des profanateurs de sépultures parle d'une invasion extra-terrestre. Ceux-ci, pendant la nuit, s'emparent du corps des concitoyens de Miles Bennell, personnage principal. Cette "colonisation des corps féminins" invoquée au-dessus est reprise couramment. C'est un élément rhétorique qui vise à montrer qu'il y a volonté de faire disparaitre le groupe des femmes. Cette théorie du complot est toujours d'actualité dans les groupes Gender Critical.

Lorsque les féministes ont nommé le mouvement qui passe son temps à promouvoir ce type de vision du monde, elles ont agi pour arrêter l'occupation du féminisme par des RadFems identifiés qui faisaient une fixation sur l'attaque des personnes trans. TigTog a déclaré que les RadFems qu'elle connaissait estimaient que les TERF

... ne parlaient pas en leur nom et perturbaient les autres discussions en les orientant sur une position anti-trans*.

TERF n'est pas une insulte ; c'est la réponse de la communauté féministe à une occupation non désirée de leur espace et de leur identité féministe.

Pour citer le groupe féministe Guerrilla Feminism : “Notre féminisme est trans-inclusif ou c'est de la merde”.


En 2018, Viv Smythe a écrit un autre article sur le sujet, cette fois dans le Guardian :

I’m credited with having coined the word ‘Terf’. Here’s how it happened | Viv Smythe
I have no control over how others use a word that came about simply to save typing a phrase out over and over again

Mots clés

MaddyKitty

Anarchiste et femqueer