Photo de deux soldats noirs des Forces Françaises Libres

Les forces armées françaises de la libération de Paris, lavées plus blanc que blanc

Traduction 25 août 2023
On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat Inconnu. Vous mes frères obscurs, personne ne vous nomme.

– Léopold Sédar Senghor, Hosties noires, 1948

Note de lae traducteurice : De l'incorporation des soldats issus des colonies aux massacres qui précédent les luttes pour la libération nationale, ce n'est qu'un continuum raciste qui prolonge la violence coloniale. Les combattants pour la libération ne pouvaient pas être des colonisés. Ils furent effacés de l'histoire de la “résistance au nazisme”, récit commode qui évite de distinguer entre ceux qui combattaient les allemands par nationalisme et ceux qui combattaient le fascisme.

Texte original : https://libcom.org/article/whitewashing-french-forces-liberation-paris-steven-johns

Auteur : Steven Johns

Traducteurice: MaddyKitty

Publié initialement: 24 août 2016


Les troupes sénégalaises qui ont combattu pour la France, prisonniers de guerre en Europe.

Un bref compte rendu de la manière dont les commandements américains et britanniques ont veillé à ce que la libération de Paris soit orchestrée par une force composée “uniquement de Blancs”.

Opérations

La BBC a dévoilé des documents révélant que des soldats noirs coloniaux, qui constituaient majoritairement les Forces françaises libres du général de Gaulle, ont été retirés de l'unité qui a mené la reconquête de la ville par les alliés.

Lors de la planification de la libération, Charles de Gaulle voulait s'assurer que les troupes de la France Libre mèneraient l'opération. Il voulait affirmer son autorité sur la France post-nazie, afin d'éviter que la Résistance, composée en grande partie de communistes et de radicaux de la classe ouvrière, ne prenne le pouvoir.

Le haut commandement allié accepta, à la condition que sa division ne contienne aucun soldat noir.

Le chef d'état-major d'Eisenhower, le major général Walter Bedell Smith, écrit dans une note confidentielle :

Il est préférable que la division mentionnée ci-dessus ne contienne que des blancs. Cela indiquerait que la Deuxième division blindée, qui ne compte qu'un quart de personnel autochtone, est la seule division française disponible sur le plan opérationnel qui pourrait être constituée à 100% de blancs.

Le général britannique Frederick Morgan écrit :

Il est dommageable que la seule formation française 100% blanche soit une division blindée au Maroc.
Toutes les autres divisions françaises sont blanches à seulement 40%. J'ai dit au Colonel de Chevene (NdT : peut-être le colonel Pierre de Chevigné ?) que ses chances d'obtenir ce qu'il veut seront grandement améliorées s'il peut produire une division d'infanterie blanche.

Les conscrits d'Afrique de l'ouest composant 65% des Forces Françaises libres, il s'avérait impossible de trouver une division entièrement blanche.

Mike Thompson, pour la BBC, rapporte qu'en conséquence :

Le commandement allié insistait pour que les soldats noirs soient remplacés par des soldats blancs provenant d'autres unités.
Quand il s'est avéré impossible qu'il y ait assez de soldats blancs pour combler les manques, des soldats provenant d'Afrique du nord et du Moyen-Orient ont été utilisés à la place.

En effet, c'est le manque de soldats blancs français qui amène à l'utilisation de la 9ème compagnie, composée d'exilés espagnols anarchistes et républicains.

Célébrations

Les soldats noirs ne sont pas seulement exclus des opérations militaires, certains sont aussi rejetés des célébrations de la Libération.

Le résistant Georges Dukson, aux côtés du Général De Gaulle pendant les célébrations officielles.

Dukson s'engage dans l'armée française en 1940, et vivait caché durant l'occupation nazie. Il prend part à la résistance et joue un rôle important durant l'insurrection parisienne de 1944, où il est placé à la tête de son unité pour sa bravoure. Il est ensuite promu en tant que sous-lieutenant et est blessé au combat d'une balle dans le bras.

Peu après la prise de la photo ci-dessus, il est emmené à l'écart sous la menace d'une arme.

Les conséquences

17000 soldats noirs français sont morts en résistant à l'invasion nazie.

Mais après avoir été exclus de la libération, la plupart doivent rendre leur uniforme et sont renvoyés chez eux. Même la méthode de rapatriement était brutale.

Fin novembre 1944, environ 1300 anciens soldats sénégalais qui avaient été faits prisonniers de guerre en Europe, puis renvoyés chez eux, protestent contre leur traitement et une faible solde. Nombreux sont ceux qui sont massacrée par les troupes françaises, et certains survivants sont emprisonnés pour 10 ans.

Pour couronner le tout, leurs pensions sont gelées en 1959.

Un ancien soldat colonial français, Issa Cisse, sénégalais, déclare à la BBC :

Nous, sénégalais, étions commandés par des chefs français blancs.
Nous étions colonisés par les français. On nous a forcé à partir en guerre. Forcé à suivre les ordres, faire ceci, faire cela et nous l'avons fait. La France ne nous a montré aucune gratitude. Jamais.
Issa Cissé, 4ème RTS (Régiment de Tirailleurs Sénégalais) © Julien Masson

Cette histoire du racisme, du colonialisme et de la violence des alliés, n'est qu'une des nombreuses histoires similaires, comme la famine du Bengale, le pacte germano-soviétique, le massacre des antifascistes grecs par l'Angleterre, qui alimentent la perspective selon laquelle la Seconde Guerre mondiale n'était pas une lutte contre le racisme et pour la démocratie, mais bien une bataille entre empires rivaux.

Cette idée est davantage explorée dans l'excellent livre de James Heartfield, Unpatriotic History of the Second World War.

Sources

Mots clés

MaddyKitty

Anarchiste. Femme non-binaire et vnr