Pourquoi je n'aime pas le terme "transphobe"
Hier, je tombe sur une pancarte de la CFDT : "pas de phobie au boulot".
Je me suis souvenu·e de la raison qui me fait détester le terme "transphobe" et me suis décidé à écrire un petit billet à cet effet.
Si le racisme et la misogynie, pris dans un sens commun, sont aussi associés à la "phobie", ils explicitent tout de même davantage la violence directe et indirecte que subissent les femmes et les personnes racialisées (à gros traits). Ce sont également des structures ancrées dans des représentations en plus de permettre à certaines personnes de dépasser le stade du préjugé.
Et pourtant, l'homophobie, la transphobie, la biphobie, l'interssexophobie (et d'autres termes sont carrément considérés comme n'allant pas de soi, ce qui prouve qu'il y a un souci), semblent n'exprimer pas plus qu'une vague impression, une détestation, une psychologisation du rapport entre deux individus.
Et c'est aussi... la peur. Tout comme ce long couloir (cf l'illustration du billet) me fait peur, on aurait "peur de nous". Est-ce le problème ? Est-ce la simple détestation de ce qui est "différent" ? Les phobies sont traitées à même hauteur que l'arachnophobie : "problème de rationalisation", "sueurs", "stress". Quand on est tué ou frappé en raison de notre genre marginal, ce n'est pas par manque de raison ou par stress.
Pourtant, ce n'est pas faute de disposer de termes plus spécifiques, qui réinscriraient ces violences dans des structures. On se représente les personnes "LGBTIA+" d'une certaine manière ("homme efféminé", "femme masculine", "homme déguisé", "femme qui se protège du patriarcat", "personne aux moeurs légères", "moine/bonne soeur", "fragile", "dégénéré", etc.). Et ces représentations permettent également un passage à l'acte, et tout autant que les structures du racisme et de la misogynie, une intériorisation de la violence.
Le terme cissexisme, par exemple, représente bien plus qu'une psychologisation abusive de la façon dont les personnes trans* sont traitées, entre violence médicale, violence juridique, violence sociale de manière générale et injustice épistémique. Il explicite la façon dont les transidentités sont mobilisées, la raison de la transmisogynie, le voyeurisme autour de nos transitions, le rapport entre transidentité et travail du sexe, le fétichisme, etc.
De la même façon, le terme sexisme oppositionnel regroupe les représentations dominantes des genres marginalisés (homosexualité, bisexualité, transidentité(s), asexualité, non-binarité, etc.) et donc inscrit dans une structure patriarcale et binaire ces représentations, ces normes, que nous intériorisons, qui nous produisent donc aussi en tant que sujets.
Toutes ces structures de représentation, de savoirs dominants et de pouvoir (la production du sujet marginalisé) sont mieux à même de nous permettre en tant que personnes saisies par ces violences, de les mettre en avant.
La phobie implique des appels à la tolérance, pas à la rupture, pas à l'ouverture de la marge. La phobie permet à la justice d'individualiser le comportement violent.
La phobie ne transformera pas nos existences.