Photo by Possessed Photography / Unsplash

Personnes trans, toilettes et prédateurs sexuels : ce que les chiffres disent

Traduction 29 juil. 2021

Source: https://juliaserano.medium.com/transgender-people-bathrooms-and-sexual-predators-what-the-data-say-2f31ae2a7c06

Autrice: Julia Serano

Traducteurice: MaddyKitty

Publié initialement: 8 juin 2021


[Avertissement concernant le contenu : bien que je ne décrirai aucun cas réel de violence sexuelle ou d'abus sexuel d'enfants, ces problèmes (et leurs fausses accusations) seront discutés tout au long de cet article.]

Je suis impliquée dans les communautés transgenres depuis 1994. Et ces communautés existaient déjà depuis des décennies avant que je n'apparaisse sur la scène publique, comme n'importe quel livre d'histoire sur la transidentité peut en témoigner. Et nous avons utilisé les toilettes publiques pendant tout ce temps, sans nuire aux autres. Mais soudain, en 2015 – un an après que le magazine TIME a proclamé le « tournant transgenre » – une multitude de soi-disant « lois sur les toilettes » ont été proposées dans les différentes législatures des États américains. Ces projets de loi, d'une manière ou d'une autre, visent à interdire aux personnes trans d'utiliser en toute sécurité les toilettes publiques, sous prétexte que nous constituerions une sorte de « menace » pour les femmes et les enfants dans ces espaces. De telles affirmations continuent de persister, le plus récent projet de loi ayant été promulgué dans le Tennessee le mois dernier.

Dans cet article, je ferai trois remarques générales dans les sections suivantes : 1) Je vais approfondir les données réelles qui démontrent que les personnes trans ne constituent une menace pour personne dans les toilettes publiques, et que les politiques inclusives pour les personnes trans ne sont pas exploitées par des prédateurs. 2) Je passerai en revue les données historiques expliquant de quelle façon ce mythe du « prédateur des toilettes » a pris ses origines dans les revendications du droit religieux des années 1970 et 1980, centrées sur la façon dont les « homosexuels » étaient censés être des « agresseurs d'enfants » et des « pédophiles » qui cherchaient à « recruter des enfants ». Ce n'est que dans les années 2000, alors que ces allégations perdaient de leur efficacité contre les gay, les lesbiennes et les bisexuel·les, que les organisations de la droite conservatrice ont commencé à orienter leurs efforts vers les personnes trans. 3) Je soulignerai les autres méthodes utilisées par les militant·es anti-trans pour faire passer les personnes trans pour des « prédateurs » qui cherchent à « attirer » et à « sexualiser » les enfants.

J'espère que cet article fournira non seulement une source facilement diffusable pour démystifier les « lois sur les toilettes » et la propagande anti-trans, mais qu'il sensibilisera également sur la façon dont le trope « prédateur sexuel » constitue une tactique plus générale qui a été utilisée à plusieurs reprises pour stigmatiser et stéréotyper des groupes marginalisés.

1) Les personnes trans sont des victimes, plutôt que des auteurs, de harcèlement et d'agression dans les toilettes publiques

Chaque fois que des personnes font part de leur inquiétude concernant la présence des femmes trans dans les toilettes, je les renvoie généralement aux trois articles suivants :

Carlos Maza et Luke Brinker, “15 Experts Debunk Right-Wing Transgender Bathroom Myth,” Media Matters for America, March 20, 2014.

L'entête de l'article est le suivant : Des experts de 12 États, y compris des responsables de l'application des lois, des employés du gouvernement et des défenseurs des victimes d'agression sexuelle, ont démystifié le mythe de droite selon lequel les prédateurs sexuels exploiteraient les lois de non-discrimination des transgenres pour se faufiler dans les toilettes des femmes. Ils ont qualifié ce mythe comme sans fondement et comme « argument fallacieux ».

Cette étude déclare dans ses conclusions : « D'un point de vue scientifique et fondé, il n'y a actuellement aucune preuve que le fait d'accorder aux personnes transgenres l'accès à des toilettes publiques correspondant à leur genre entraîne une augmentation des infractions sexuelles. » Pour un résumé et un contexte supplémentaires, consultez cet article publié dans ThinkProgress sur cette étude.

Amira Hasenbush, Andrew R. Flores, et Jody L. Herman, “Gender identity nondiscrimination laws in public accommodations: A review of evidence regarding safety and privacy in public restrooms, locker rooms, and changing rooms,” Sexuality Research and Social Policy 16, no. 1 (2019), 70–83.

Cette revue a utilisé l'État du Massachusetts (NdT: nord-est des États-Unis d'Amérique) comme étude de cas « pour évaluer empiriquement l'évolution des cas de violences dans les toilettes publiques, les vestiaires individuels ou collectifs, dans des localités aux politiques d'inclusion en faveur des personnes trans (GIPANDO), comparées à des localités sans politique inclusive. » Voilà ce qui est rapporté: « En utilisant les données publiques et un modèle statistique, nous n'avons trouvé aucune preuve démontrant l'augmentation des violences dans le cadre du passage à une politique inclusive. » Cet article Teen Vogue en donne un résumé et des éléments de contexte supplémentaires.

S'il n'y a aucune preuve empirique indiquant que les personnes trans sont un danger pour les personnes cisgenres dans les toilettes publiques, l'inverse n'est pas vrai. Il est important de signaler que les personnes trans sont régulièrement menacées et parfois agressées par des personnes cis dans ce contexte. Voici quelques études qui s'intéressent à ce phénomène:

Jody L. Herman, “Gendered restrooms and minority stress: The public regulation of gender and its impact on transgender people’s lives,” Journal of Public Management & Social Policy 19, no. 1 (2013), 65–80.

En résumé: « Cette étude emploie un modèle de stress lié au statut de minorité, pour discuter des résultats d'une enquête menée auprès de personnes transgenres et en non-conformité de genre à Washington, District de Colombia, sur leurs expériences dans les toilettes publiques genrées. 70% des sondé·es ont déclaré s'être vu refuser l'accès, avoir être harcelé·es verbalement ou agressé·es physiquement dans les toilettes publiques. Ces expériences ont eu un impact sur l'éducation, l'emploi, la santé et la participation des sondé·es à la vie publique. »

Sandy James, Jody Herman, Susan Rankin, Mara Keisling, Lisa Mottet, et Ma’ayan Anafi, The report of the 2015 US transgender survey, (Washington, DC: National Center for Transgender Equality, 2016).

Ce sondage concernait 27 715 personnes trans à travers les États-Unis d'Amérique. Voilà les points les plus importants ressortant de la section “expériences dans les toilettes publiques” (pp. 224–230):

  • Près d'un quart (24%) des sondé·es ont dit avoir eu droit à des réflexions ou se sont vu contester leur place dans des toilettes publiques l'an passé.
  • Près de 1 personnes sur dix (9%) des sondé·es ont dit que quelqu'un leur avait refusé l'accès à des toilettes publiques l'an passé.
  • 1 personne sur 8 (12%) des sondé·es ont été insulté·es, agressé·es physiquement ou agressé·es sexuellement en tentant d'accéder ou en utilisant les toilettes publiques l'an passé.
  • Plus de la moitié (59%) ont évité d'utiliser des toilettes publiques l'an passé puisqu'iels avaient peur d'avoir des problèmes.
  • Près d'un tiers (32%) des sondé·es ont limité leur repas ou leur boisson pour éviter d'utiliser des toilettes publiques l'an passé.
  • 8% des sondé·es ont dit avoir une infection urinaire, une infection rénale ou d'autres problèmes rénaux l'an passé, résultant de leur peur de fréquenter des toilettes publiques.

Gabriel R. Murchison, Madina Agénor, Sari L. Reisner, et Ryan J. Watson, “School restroom and locker room restrictions and sexual assault risk among transgender youth,” Pediatrics 143, no. 6 (2019), e20182902.

Dans la partie intitulée Discussion”: « Dans notre échantillon d'adolescent·es trans et non-binaires nord-américain·es, le nombre d'agressions sexuelles sur les 12 derniers mois était de 25,9%, ce qui est sensiblement plus élevé que la moyenne nationale de 15% pour les filles cisgenres et de 4% pour les garçons cisgenres dans l'enseignement secondaire. Après ajustement des facteurs de confusion potentiels, par rapport aux jeunes personnes cisgenres, les restrictions des toilettes et des vestiaires de l'école étaient associées à 1,26 fois le risque d'agression sexuelle pour les garçons transgenres, 1,42 fois le risque pour les jeunes non-binaires AFAB, et 2,49 fois le risque pour les filles transgenres. »

Bien sûr, ces harcèlements et agressions généralisées sur des personnes trans dans les toilettes publiques ont des conséquences inévitables sur les personnes cis en non-conformité de genre. Elles subissent des abus similaires parce qu'elles sont perçues à tort comme transgenres. En effet, dans le sillage de la calamité de la « loi sur les toilettes publiques » de 2015, Vox a publié un article intitulé “Des femmes harcelées dans les toilettes à cause du climat anti-transgenre”. Un article publié début 2021 au Royaume-Uni (où le sentiment anti-trans est encore plus important) dit la chose suivante: Les lesbiennes butchs font face à un harcèlement croissant dans les toilettes publiques.

À ce stade, il est important de pointer la logique derrière les “lois sur les toilettes publiques”, qui porte sur deux suppositions. La première, c'est que les femmes trans sont réellement des hommes biologiques — Je réfute cette notion simpliste dans cet article. La seconde est que les hommes sont naturellement “dangereux”, tandis que les femmes sont naturellement “inoffensives”, mettant de fait en avant que la présence de femmes trans pourrait troubler cette supposée sécurité dans les espaces féminins. Cependant, il est prouvé que cette supposée sécurité est fausse à cause de toutes les femmes cisgenres qui harcèlent et agressent des personnes trans et des femmes cis en non-conformité de genre dans les toilettes publiques!

Bien qu'il n'y ait aucune preuve empirique que les femmes trans, ou les personnes trans en général, représentent une menace pour les femmes ou les enfants dans les espaces publics non-mixtes, les propagandistes anti-trans ont largement participé à partager des cas anecdotiques, réels ou imaginaires, de problèmes impliquant des individus transgenres, ce qui leur permet d'extrapoler que nous sommes bien un danger. Bien sûr, je pourrais faire la même chose sur le nombre conséquent de femmes cisgenres qui ont commis des actes de harcèlement, d'agressions ou de contraintes sexuelles, comme il est résumé dans Lara Stemple, Andrew Flores, et Ilan H. Meyer, “Sexual victimization perpetrated by women: Federal data reveal surprising prevalence,” Aggression and Violent Behavior 34 (2017), 302–311 (l'auteur principal en fait également un résumé dans la revue Scientific American).

Il est indiscutable que des femmes cisgenres ont commis des actes de violence sexuelle. Mais il serait inimaginable de dire que toutes les femmes cisgenres devraient être bannies des toilettes publiques, des vestiaires individuels, des vestiaires collectifs, etc., à cause des actions d'un petit nombre d'entre elles. Je suis sûre que ce point fera l'unanimité. Appliquer un standard différent aux femmes trans, malgré le manque de preuves empiriques valables indiquant le contraire, constitue ni plus ni moins que de la haine pure.

2) Placer les « paniques de toilettes » transgenres dans un contexte historique

Les personnes trans ne sont certainement pas le premier groupe marginalisé à avoir été perçu comme un ensemble d'agresseurs potentiels.

Dans “Pourquoi les théories du complot d'extrême-droite ont-elles une obsession pour la pédophilie”, Ali Breland revisite un certain nombre de paniques morales” au cours du demi-siècle précédent. Toutes soulevaient des inquiétudes similaires sur la protection des enfants par rapport à des menaces imaginaires. L'essentiel de l'article est contenu dans cette phrase: « L'histoire est toujours la même, des paniques dans les crèches à QAnon: ça ne concerne pas vraiment les enfants. Leur peur provient du changement social. »

Dans “Le cauchemar anti-trans des toilettes publiques a ses racines dans la politique de ségrégation raciale”, Gillian Frank fait remarquer que la peur de la prédation sexuelle était régulièrement invoquée par les ségrégationnistes durant le mouvement des droits civiques aux États-unis d'Amérique, qui « affirmaient que l'intégration raciale permettrait aux hommes noirs un accès sexuel aux femmes blanches » et « les femmes blanches considéraient que tout contact avec des femmes noires pourrait les contaminer avec des maladies vénériennes. » Frank poursuit en expliquant comment ces stéréotypes racistes ont été invoqués par les opposants à l'amendement pour l'égalité des droits (ERA) dans les années 1970 : « des militants anti-ERA ont affirmé que l'ERA permettrait la mise en place de toilettes mixtes. Ici, les militants anti-ERA ont appliqué des codes raciaux largement partagés à l'amendement sur l'égalité des droits, en particulier sur l'idée que l'intégration des toilettes publiques conduirait à des violences sexuelles d'hommes noirs sur des femmes et des enfants blancs. »

L'article de Warren J. Blumenfeld “Comment les personnes juives et LGBTQ ont été stéréotypées comme des prédateurs violents” met en lumière la façon dont les blanc·hes chrétien·nes hétérosexuel·les ont « [...] longtemps accusé les personnes juives et LGBTQ d'agir comme de dangereux prédateurs, intimidant, torturant et attaquant principalement les femmes et les enfants du groupe dominant. »

Les articles de Frank et Blumenfeld mentionnent également un des actes les plus récents, directement lié aux « paniques de toilettes » transgenres actuelles: la campagne d'Anita Bryant de 1977, “Save Our Children”. Les prémisses étaient simples: les droits des personnes lesbiennes, gay et bisexuelles (LGB) avaient progressé par le biais de l'adoption d'ordonnances non-discriminatoires dans un nombre croissant de juridictions. Bryant et d'autres conservateurs ont contrecarré cette progression en affirmant ou en insinuant que les personnes LGB constituaient une menace particulière pour les enfants. Si vous avez déjà entendu dire que les personnes LGB sont des “pédophiles” ou des “agresseurs d'enfant”, tentant de “recruter des enfants”, toutes ces idées ont été popularisées par Bryant et d'autres conservateurs de l'époque. Si pour la plupart des gens, ces affirmations sont maintenant comprises comme fausses et comme de dangereux stéréotypes, elles ont fait de beaucoup de dégâts à l'époque — à la fois en sapant les droits homosexuels et bisexuels et en exacerbant les crimes haineux anti-LGB.

Dans une étude récente, intitulée “Variation du cadre dans les revendications de la protection de l'enfance : constructions des hommes homosexuels et des femmes transgenres en tant que prédateurs”, la sociologue Amy L. Stone examine les campagnes de la droite religieuse couvrant les années 1974 à 2013. Elle analyse les changements de leurs thèmes concernant les menaces sur les enfants. Les campagnes médiatiques des années 1970 aux années 1990 se concentraient surtout sur les hommes homosexuels, fantasmés comme des prédateurs sexuels, qui devenaient professeurs pour “séduire” de jeunes enfants, ou pour « infiltrer des organisations comme les scouts ou les Big Brothers pour prostituer les enfants ou produire de la pornographie infantile. » Mais dans les années 2000, un changement s'est produit. Ces campagnes médiatiques se sont dès lors concentrées davantage sur les femmes trans. Elles étaient présentées comme des “hommes en robe” et représentaient « un danger pour les femmes et les enfants dans les toilettes publiques et les vestiaires. » Voici un graphique de l'article de Stone qui illustre ce changement radical dans les messages :

Données provenant de l'article d'Amy L. Stone, “Variation du cadre dans les revendications de la protection de l'enfance : constructions des hommes homosexuels et des femmes transgenres en tant qu'agresseurs”

La prochaine fois que vous voyez une campagne anti-trans sur le thème des “paniques de toilettes”, souvenez-vous que vous êtes témoin d'une version remaniée de campagnes médiatiques sur le thème “les homosexuels sont des agresseurs d'enfant”.

3) Qui sexualise qui?

Une fois que des personnes intolérantes stéréotypent un groupe marginalisé comme “prédateur sexuel”, il leur devient alors relativement facile d'utiliser un langage destiné à décrire la violence sexuelle réelle contre les membres de ce groupe, même dans des scénarios où le sexe ou la sexualité n'entrent jamais en jeu.

L'article “les pronoms sont comme le Rohypnol” est un exemple flagrant de ce qui peut être cité et célébré dans les cercles britanniques “gender critical”. Le Rohypnol est plus connu sous le nom de drogue du violeur. Cet article défend que le fait d'utiliser les pronoms d'une personne trans « vous ralentit, vous rend confus, moins réactif. Ils annulent vos défenses. Ils changent vos inhibitions [...] ils suppriment notre instinct de survie. » Le fait que la reconnaissance des pronoms d'une personne trans équivaut à, ou permet la violence sexuelle, d'après l'auteur, est renforcée dans le dernier passage : « Je le dois aux femmes. Je ne veux pas jouer le moindre rôle dans le fait de les préparer à ignorer leurs instincts protecteurs naturels. Ces instincts sont là pour une raison. Pour les garder en sécurité. »

Le mot “grooming” (NdT: traduit dans le précédent passage par "préparer") se réfère à la pratique d'adultes créant un climat de confiance avec des enfants afin de les exploiter sexuellement ou abuser d'eux. Entre les mains de personnes ouvertement transphobes, “grooming” peut être utilisé contre n'importe quelle personne trans, pour n'importe quelle action, comme enseigner à des étudiant·es adultes la théorie queer.

Si vous faites des recherches en ligne sur “transgenre” + “grooming”, la plupart des résultats (incluant “Transgenre ou Trans-grooming?”, le premier résultat de ma recherche) mentionnent ou sont obsédés par le Drag Queen Story Hour, un événement récurrent où des drag queens lisent des livres jeunesse à un groupe d'enfants dans les bibliothèques publiques. Bien qu'il n'y ait aucune discussion sur le sexe, les médias conservateurs ont lancé des accusations de “grooming” (voir l'article de Melissa Gira Grant’s The Right-Wing War on Trans Youth Was Hiding in Plain Sight, et celui de Brianna January’s Fox guest says that drag queens and LGBTQ people are grooming youth “into their unhealthy lifestyle” that includes “HIV and AIDS,” pour une couverture plus approfondie de ces événements).

Ces deux derniers articles mentionnent également d'autres allégations récurrentes, à savoir que les personnes trans “sexualisent” de jeunes enfants. En dehors de la propagande anti-trans, le mot “sexualisation” est typiquement utilisé pour désigner la réduction d'une personne à son corps ou à ses pratiques sexuelles (réelles ou imaginaires), à l'exclusion d'autres caractéristiques. En d'autres mots, si, plutôt que me voir comme une personne complexe, avec de nombreux traits de personnalité, des transphobes me réduisent au stéréotype du “prédateur sexuel transgenre”, ils me sexualisent. Autre exemple, si des conservateurs dépeignent des enfants trans comme des adultes, dans le but de les dépeindre comme de potentielles menaces sexuelles pour les autres étudiant·es (comme décrit dans l'article d'Amy L. Stone, Gender Panics About Transgender Children in Religious Right Discourse, Journal of LGBT Youth 15, no. 1 (2018), 1–15), alors ils sexualisent ces enfants trans.

La sexualisation, c'est la réduction de personnes au statut d'objet sexuel destiné à être utilisé par d'autres. Cette connotation est clairement présente dans les campagnes anti-trans quand il est évoqué que les personnes trans “sexualisent” les enfants. Mais même un coup d'œil rapide sur le contenu de ces affirmations révèle que ce n'est pas du tout ce qui se passe réellement.

Prenez par exemple l'article de Family Policy Alliance article, “Le sénateur du New Jersey a voté une loi qui va sexualiser l'école maternelle” — avec un titre pareil, on pourrait croire qu'ils viennent de légaliser les abus sexuels dans les écoles! Selon un média grand public, NJ.com, la loi en question (A4454) va simplement « mettre à jour les standards d'apprentissage du New Jersey pour promouvoir 'la diversité économique, l'égalité, l'inclusion, la tolérance en matière de genre et d'orientation sexuelle, de race et d'ethnie, de handicap et de religion'. » En d'autres mots, la diversité et l'inclusion équivalent à “sexualiser les enfants” dans la tête de propagandistes anti-LGBTQ+.

Dans les nombreux exemples d'arguments que j'ai trouvés au cours de mes recherches, le plus explicite est sans doute celui de la Heritage Foundation: « Nous devons combattre la sexualisation d'enfants par des adultes. » L'article commence par des craintes plus générales en ce qui concerne la pornographie infantile, les abus et le trafic sexuels. Puis le propos se tourne brusquement sur les “drag queen story hours”, l'éducation sexuelle incluant “la théorie transgenre”, l'Equality Act (qui va amender la loi sur les Droits Civils afin d'y inclure l'orientation sexuelle et l'identité de genre), les politiques d'inclusion trans dans les toilettes publiques, et les traitements hormonaux. C'est comme si tout et n'importe quoi concernant les personnes LGBTQ+ constituait une “sexualisation des enfants” à leurs yeux.

Au mois d'avril de cette année, les sénateurs de l’État du Texas ont déposé la loi 1646 qui « définit les parents d'enfants trans qui consentent à leur accès aux soins comme des ‘abuseurs d'enfants’ » et « place les parents texans qui consentent à ce que leurs enfants transgenres puissent affirmer leur genre aux côtés de ceux qui créent de la pornographie infantile, abusent sexuellement des enfants, donnent des drogues illégales aux enfants et ceux qui facilitent les mariages forcés d'enfants. » (les citations viennent de Pink News). Heureusement, la loi n'est pas passée. Mais elle met en lumière de façon effrayante ce que peut donner l'amalgame “transgenre = sexualiser les enfants”.

Je vais terminer cette partie avec un dessin de Barry Deutsch et Becky Hawkins, qui met en lumière l'hypocrisie sous-jacente entre ce qui est considéré comme de la sexualisation et ce qui n'en est pas dans ces débats publics:

Un dessin de Barry Deutsch et Becky Hawkins

Pour conclure, les abus sexuels d'enfants sont bien réels. Mais l'écrasante majorité de ces incidents sont commis par des membres de la famille et d'autres connaissances proches. Les chances qu'un étranger transgenre mette en danger votre enfant dans les toilettes publiques sont extrêmement faibles. Celleux qui lancent aveuglément et massivement des accusations de « prédateur sexuel », de « grooming » et de « sexualisation » contre les minorités de genre et sexuelles ne se livrent pas seulement à l'intolérance, mais iels rendent un très mauvais service aux vrai·es survivant·es de violences sexuelles. Nous, en tant que société, ne devrions pas tolérer leurs tactiques.

Mots clés

MaddyKitty

Anarchiste. Femme non-binaire et vnr