Former un groupe antifasciste : un manuel

Traduction 19 août 2021

Source: https://itsgoingdown.org/forming-an-antifa-group-a-manual/

Auteurices: It's going down

Traducteurice: MaddyKitty

It's Going Down est une plateforme numérique communautaire pour les mouvements anarchistes, antifascistes, autonomes, anticapitalistes et anticolonialistes à travers ce qui est appelé Amérique du Nord.


De nombreux groupes antifascistes, souvent appelés “antifa”, surgissent actuellement à travers les États-Unis d'Amérique et un certain nombre de personnes nous demande des conseils quant à la formation de ces groupes. Le travail antifasciste étant différent des autres formes d'organisation radicale, et les groupes antifa eux-même en évolution, nous avons couché ici quelques suggestions, basées sur nos expériences. Cependant, cet article a été écrit dans un contexte politique mouvant (Février 2017) et certaines de ces suggestions pourraient ne plus être pertinentes dans les mois ou les années à venir.

Cet essai couvre un certain nombre de points incluant: les avantages, désavantages et obligations à travailler sous la bannière antifasciste; les questions concernant l'anonymat et la visibilité, tant physiquement qu'en ligne; l'autodéfense et les armes à feu; travailler avec des personnes problématiques et résoudre les problèmes d'infiltration; la répression d’État; et les actions à faire en tant qu'antifascistes.

Pourquoi “antifa”?

La première question à se poser c'est: pourquoi voulez-vous former un groupe “antifa”? Cette étiquette a des avantages et des désavantages, et vous devez les prendre en considération avant de l'adopter. L'étiquette antifasciste vous permet d'accéder à une certaine reconnaissance et une crédibilité, mais cela inclut aussi un certain nombre d'obligations et de désavantages.

Ce dimanche, nous avons retiré quarante stickers néo-nazi et "alt-right" sur le campus de l'université de Georgia State. Soyez attentifves, combattez la propagande raciste. pic.twitter.com/GKBbxnV5kd

— Atlanta Antifascists (@afainatl), 6 février 2017

Si le propos de votre groupe est d'organiser des réunions publiques où vos membres sont clairement identifiables,  organiser des rassemblements anti-Trump ou aider des réfugié·es et migrants, utiliser l'étiquette antifa et les symboles traditionnels qui y sont attachés occasionnera des soucis que vous pourriez éviter en nommant votre groupe autrement. “Las Cruces United Against Racism” n'attirera pas l'attention de la même manière que de vous appeler “Las Cruces Antifa”.

Désavantages

Le désavantage principal, c'est que les fascistes vont tenter d'identifier les membres de votre groupe ainsi que de s'en prendre à vous physiquement. Le meilleur moyen à votre disposition pour l'éviter au maximum est de privilégier l'anonymat autant que possible. Les photos de vos membres peuvent apparaitre sur les sites internet d'organisations suprémacistes blanches, avec les différentes informations personnelles qu'ils peuvent trouver. De nombreuxses antifascistes ont été blessé·es voire tué·es en militant ainsi. Si vous êtes démasqué·es, les fascistes se souviendront de vous pendant longtemps. Gardez en tête que les antifascistes qui ne sont pas des hommes blancs sont ciblé·es plus violemment par les fascistes: les femmes peuvent subir du harcèlement en ligne et les personnes de couleur être ciblées particulièrement par des violences.

Obligations

Si vous formez un groupe local antifasciste, voilà ce qu'on peut attendre de vous:

1) Traquer les suprémacistes blancs, l'extrême droite et l'activité fasciste. Il vous sera nécessaire de documenter les groupes fascistes de votre région. Cela implique de rassembler des informations sur qui fait quoi, et de connaître la composition et les acteurs clés des différents groupes actifs. Dès que les informations sont vérifiées, les groupes antifascistes communiquent régulièrement ces informations dans un format accessible au public. Il est également essentiel d'alerter les cibles visées sur les menaces spécifiques que vous avez découvertes au cours de vos recherches.

2) Vous opposer à l'organisation des groupes d'extrême droite. Si le Ku Klux Klan ou le mouvement national socialiste (NdT: le contexte étant celui des USA, remplacez ça par la Cocarde étudiante, Génération identitaire ou le Front national) organisent un rassemblement public, si des intervenants d'extrême droite viennent en ville, ou si le Daily Stormer organise une rencontre, vous vous devez d'organiser un contre-rassemblement. S'ils collent des affiches ou des stickers, vous ne devez pas seulement retirer leur matériel de propagande mais le remplacer par le vôtre; leurs campagnes médiatiques doivent être contrées.

3) Soutenez les autres antifascistes ciblé·es par des fascistes ou arrêté·es pour des activités en lien avec leur militantisme. Il peut s'agir de soutenir des groupes régionaux ou d'organiser des collectes de fonds pour les prisonniers et les camarades blessé·es.

4) Construisez une culture de non-coopération avec la police. Si vous avez l'intention de travailler avec la police ou la gendarmerie ou si vous condamnez publiquement des antifascistes ayant enfreint la loi: ne vous appelez pas antifascistes. Les policiers sont des soutiens de l'extrême droite; ne collaborez pas avec eux.

Un groupe antifasciste tire des feux d'artifice sur le bâtiment où Milo doit s'exprimer à Berkeley. pic.twitter.com/7Mtcer9ejO

— Julia Carrie Wong (@juliacarriew), 2 février 2017

Visibilité

Les fascistes ainsi que les autorités vont s'intéresser aux membres de votre groupe, vous devez donc tenir compte de la question de la visibilité publique avant de commencer. Nous recommandons fortement aux groupes antifascistes de ne pas utiliser les modèles courants de militantisme, à cause du risque d'infiltration. Si une situation d'urgence telle que la réponse à un événement public fasciste nécessite des réunions publiques et un modèle militant traditionnel d'organisation de masse, elle doit être séparée de la structure du groupe à long terme.

Nous vous recommandons de rester anonymes pendant la formation de votre groupe et jusqu'à votre première action. L'anonymat est votre meilleure défense, et vous devez le garder intact autant que possible. Développez votre groupe, mettez-vous d'accord, et décidez de ce sur quoi vous voulez vous concentrer. Notez également qu'une fois les groupes formés, il est très difficile de changer le type de personne qui en fait partie. Qu'il s'agisse du sexe, de l'âge, de la race ou d'autres paramètres, il sera difficile de les modifier par la suite.

Utilisez un modèle de "collectif fermé" : il s'agit d'une politique basée sur l'adhésion, sans réunions ouvertes. Ne permettez à aucune nouvelle personne de vous rejoindre dans la rue. Au lieu de cela, mettez en place un processus de contrôle des personnes qui souhaitent s'impliquer.

Des autocollants Anti-Racist Neighborhood Watch ont été collés à #UTDallas en response à la campagne d'affichage des groupes @IdentityEvropa et @vanguard_texas #FashFreeUTD pic.twitter.com/Vb0rpi8Uc5

— Antifa DFW (@AntifaDFW), 16 février 2017

Vous pourriez également fonctionner en tant que groupe, mais sans vous donner de nom et sans dire aux autres militant·es ce que vous faites. Une fois que vous avez un nom, les fascistes essaient de savoir “qui fait partie du groupe”. Ne pas avoir de visage public rend vos actions encore plus anonymes. Si des personnes sont prises pour cible, par exemple après un conflit avec des fascistes, un groupe publiquement connu attirera l'attention en premier. S'il n'y a pas de présence publique, ou d'organisation formelle avec un nom, cela compliquera le processus d'identification et de représailles.

Utilisez des modèles de cellule autant que possible, dans lequel un membre est désigné pour faire des rencontres quand c'est nécessaire. Par exemple, vous pourriez avoir besoin d'un porte-parole pour parler à d'autres groupes, à des propriétaires de clubs pour les convaincre d'annuler la venue de groupes de musique nazis, pour rencontrer des gens qui ne veulent pas partager d'information en ligne, ou pour des réunions. Pour limiter votre exposition, désignez une personne comme votre porte-parole semi-public, même si elle n'admet jamais appartenir à votre groupe. Cela limite le nombre de personnes exposées.

Présence en ligne

Pour rester anonyme, vous devez gérer soigneusement votre présence en ligne. Nous vous recommandons de n'utiliser que Twitter ; il limite la quantité d'informations personnelles que vous exposez et rend le suivi de vos connexions plus difficile. Facebook présente de nombreux risques majeurs pour la sécurité de vos membres et sympathisants. Les informations d' “antifa” ont été dévoilées récemment suite à l'interaction avec des fascistes sur leur page Facebook. Les cibles n'étaient même pas antifascistes, juste des sympathisants, mais ils ont été identifiés via Facebook.

Des sites internet impliquent que votre groupe a beaucoup de visibilité, et devrait être utilisé spécialement si vous voulez documenter les groupes fascistes locaux ou faire des déclarations. Encore une fois, si vous n'avez pas de nom de groupe, vous pouvez choisir de ne pas avoir de présence en ligne.

Les membres doivent éviter autant que possible d'être présents sur les réseaux sociaux, particulièrement sur Facebook. S'ils ne le font pas, ils doivent séparer strictement leur activité politique et personnelle.

Autodéfense

Les groupes antifascistes s'impliquent dans un travail d'autodéfense. Si la plupart des activités antifascistes n'impliquent pas des confrontations directes, et le nombre de confrontations variant selon les groupes, c'est parfois nécessaire. Les membres de votre groupe ainsi que vos sympathisants doivent être préparés.

Nous recommandons un entraînement régulier aux arts martiaux pour les antifascistes, ainsi que pour la communauté radicale au sens large. C'est un bon endroit pour rencontrer des gens sérieux à ce sujet.

#Albuquerque symbolise la vie #antifa. Contre-rassemblement à #Milo. #bashthefash #nopasaran pic.twitter.com/Jo0aciDFMC

— The Base (@TheBaseBK), 28 janvier 2017

Renseignez-vous sur les lois en vigueur dans votre ville concernant diverses armes d'autodéfense et assurez-vous de vous entraîner avec et de porter sur vous tout ce qui est légal, qu'il s'agisse de bombes au poivre, de matraques télescopiques ou d'autres dispositifs. Dans certains cas, ce qui est légal pour l'autodéfense est considéré comme une agression armée si c'est utilisé à des fins offensives. Les lois varient d'un endroit à l'autre et il est préférable de consulter un avocat à ce sujet.‌‌(NdT: En France, il est possible d'acheter des armes d'autodéfense, mais pas de les porter ou de les transporter. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F33658)

Armes à feu

(NdT: pas de traduction de ce passage, c'est infaisable dans le contexte français. Si l'autodéfense est déjà difficile par d'autres moyens, celle-ci est impossible. Si vous voulez cependant lire ce passage, il est disponible sur l'article, ainsi qu'un autre article sur les droits de port d'arme aux USA.)

Manipulateurs, grandes gueules, francs-tireurs et provocateurs

Une grande diversité d'individus rejoignent le mouvement antifasciste actuellement, ce qui le renforce et élargit sa base. Cependant, des personnes peuvent fréquenter vos cercles et mettre en danger vos objectifs fondamentaux et vos membres. Voici donc quelques avertissements :

1) Certaines personnes utilisent l'étiquette antifa comme un moyen de promotion de leurs opinions politiques spécifiques, en particulier les membres de certains groupes de gauche idéologiquement orientés. Si quelqu'un est plus intéressé par le recrutement de personnes dans son propre groupe que par le travail antifasciste, il faut s'en débarrasser, tout comme celui qui semble être intéressé par le fait d'être identifié publiquement comme antifa afin d'être acclamé par le public. Les antifa s'efforcent de rester anonymes – c'est pourquoi nous agissons masqué·es !

2) Insistez sur le respect mutuel. Certaines personnes seront plus intéressées par les politiques identitaires que d'autres, et d'autres seront novices dans ces discussions. Cette diversité est plutôt saine, mais veillez à établir un niveau minimum de respect qui doit être observé par tous les membres du groupe. Les disputes sur le comportement patriarcal ont déchiré les groupes antifa dans les années 1990. Travaillez à la création d'une culture de respect et de soutien mutuels qui peut également aider à faire venir de nouvelles personnes.

3) Évitez les personnes qui insistent pour que vous “suiviez leur leadership” en raison de leur identité, ou qui proposent des plans préétablis basés sur des expériences datées. L'extrême droite menace un large éventail d'identités. En outre, il s'agit d'une situation nouvelle, et personne ne sait quelle est la bonne marche à suivre.

4) Méfiez-vous des personnes qui ne cherchent qu'à se battre. La confrontation physique et l'autodéfense font partie du travail militant antifasciste, mais ce n'est pas la seule ni même la plus importante. Les postures virilistes et l'importance excessive apportée aux affrontements peuvent être imprudentes, non-stratégiques et inutilement dangereuses pour votre groupe.

5) Dégagez les personnes qui se laissent aller à discuter ouvertement d'actions illégales à des personnes qu'elles ne connaissent pas, ou qui pressent de nouvelles ou de jeunes personnes à s'engager dans des activités illégales. Le travail antifasciste est intense et potentiellement dangereux: nous faisons face à la menace de l’État et des fascistes. Si des membres de votre groupe aiment se vanter et parler des actions illégales qu'iels ont fait ou qu'iels prévoient de faire, particulièrement en public (incluant les réunions publiques), dégagez-les rapidement.

Soyez particulièrement vigilant·e à l'égard de toute personne qui tente de faire pression sur les jeunes ou les nouveaux membres pour qu'iels effectuent des actions qui pourraient les mettre inutilement en danger. Il s'agit là d'une manœuvre classique de provocation qui peut entraîner la chute d'un groupe.

Faites en sorte qu'une bonne dynamique de groupe et une culture de la sécurité fassent partie de la dynamique interne de votre groupe et, lorsque les gens font des erreurs, rappelez-leur de manière positive ce qu'iels ont fait. Pour celleux qui ne peuvent pas suivre le programme, montrez-leur la porte.

Infiltrations

Nous avons du faire face à de nombreuses infiltrations au fil des ans. Parfois, ce sont des contacts aléatoires. Il s'agit parfois de personnes qui se tiennent à l'écart des scènes punk rock et skinhead et qui sont connues à la fois des cercles fascistes et antifascistes. À une occasion, un homme noir a essayé de s'impliquer dans des groupes antifa, mais il s'est avéré être affilié à un parti néo-nazi et leur fournissait des informations. Les partisans de l'extrême droite en particulier peuvent être issus de la même démographie sociale que de nombreux militants de gauche, et ont infiltré plusieurs réunions et manifestations, y compris les réunions de planification de janvier 2017 à Washington DC avant les manifestations d'investiture. Vous devrez les filtrer et vous en occuper.

Si des personnes vous contactent et demandent à vous rencontrer, demandez-vous : Avez-vous besoin de les rencontrer ? Vérifiez d'abord leur identité. Pensez à leur demander de montrer une pièce d'identité ou de révéler d'autres informations personnelles avant toute rencontre en personne.

Répression d’État

L’État voit les antifascistes comme des ennemis. Les militant·s vont être surveillé·es et l’État n'hésitera pas à les envoyer en prison. Jusqu'à présent, les antifa états-uniens ont été épargné·es par la dure répression dont ont fait l'objet les groupes de défense des droits des animaux et les groupes d'action directe environnementale radicale, qui ont notamment été accusés de terrorisme, condamnés à de longues peines et soumis à des conditions de détention difficiles. Cependant, étant donné que Trump est allié à l'extrême droite, cela risque de changer bientôt, et les antifa pourraient faire face à un ciblage accru au niveau fédéral.‌


Aparté: de tels risques sont moins présents en France, bien qu'il y ait des tentatives du pouvoir. Les lois scélérates étaient un bon exemple de ciblage politique, alors que les ligues d'extrême droite seront dissoutes seulement le 10 janvier 1936 par le gouvernement Léon Blum: https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_du_10_janvier_1936_sur_les_groupes_de_combat_et_milices_privées.

Cependant, la loi sur le séparatisme et les différentes lois sur le terrorisme permettent le ciblage de personnes notamment en raison de leur religion, faisant ainsi de l'Islam une cible politique (cf https://lmsi.net/Pour-une-sociologie-de-l ou le très bon livre Islamophobie de Abdellali HAJJAT et Marwan MOHAMMED, paru en 2016 aux éditions La Découverte).


Dans le passé, la police avait tendance à venir nombreuse lors des manifestations publiques pour empêcher les affrontements entre antifa et racistes. Cela pourrait ne plus être le cas (comme cela s'est produit à Anaheim en février 2016). La police pourrait également commencer à prendre ouvertement le parti des racistes dans les conflits publics. C'est ce qui s'est produit à Seattle en janvier 2017 lorsqu'un partisan de l'Alt-Right a tiré sur un militant lors d'une manifestation ; la police a refusé d'arrêter le tireur.

Préparez un soutien juridique à l'avance ; assurez-vous de connaître un avocat qui est prêt à représenter toute personne arrêtée. Un avocat plaidant, si nécessaire, peut être trouvé plus tard. Habituez-vous à soutenir les prisonniers politiques. Beaucoup d'antifascistes sont en prison dans le monde entier, et ils aimeraient que nous les soutenions dès maintenant. Contribuez au Fonds international de défense antifasciste, et faites-en la demande si des membres ont besoin d'une aide financière pour des frais juridiques, médicaux ou autres.

Orientation politique

Le mouvement antifasciste provient de multiples courants théoriques ; il repose sur un accord sur les tactiques, et non sur une uniformité idéologique. Aux États-Unis, de nombreuxses militant·es sont anarchistes, certain·es maoïstes et marxistes anti-État. Dans d'autres pays, le mouvement peut être majoritairement marxiste. Il y a un accord tacite eu égard des différents désaccords politiques qui seraient motifs de division dans d'autres cercles militants.

Outre la traque et la lutte contre les fascistes et les suprémacistes blancs, c'est à vous de décider sur quoi votre groupe veut se concentrer. Certains groupes antifa accordent une attention variable à d'autres forces de la droite radicale, comme le mouvement anti-immigration, le mouvement patriote et les milices, les islamophobes, les militants masculinistes, les organisateurs homophobes, etc. En ce qui concerne les mouvements radicaux que vous soutenez activement, c'est également à vous de choisir avec qui vous voulez établir des liens. Aujourd'hui, il s'agit communément de Black Lives Matter et d'autres activismes contre l'oppression policière de la communauté noire, des mouvements d'immigrés et de réfugiés, du travail avec les prisonniers et du travail de solidarité avec le Rojava.

Antifa à l'aéroport JFK pic.twitter.com/UHgEeNXaET

— New York City Antifa (@NYCAntifa), 29 janvier 2017

Travailler avec d'autres groupes peut être un défi. Il n'est pas rare que les militants libéraux dénoncent immédiatement les antifascistes comme des voyous violents qui délégitiment leur mouvement, et d'autres seront prêts à informer les autorités s'ils soupçonnent que des actions illégales sont menées. Cependant, quelques personnes seront compréhensives. Nous avons rencontré un certain nombre de personnes qui nous ont dit en privé qu'elles étaient antifa dans le passé et qu'elles comprenaient la nécessité de cette approche.

Cependant, en général, ils rejetteront la collaboration si vous vous présentez comme groupe antifa. Il est préférable de construire des relations avant de tenter de travailler avec d'autres groupes, et si ça n'est pas possible, tenter de les approcher avec un nom différent (“Las Cruces United Against Racism”). Les relations avec Black Lives Matter et les groupes de défense de migrant·es sont plutôt positives. Toutefois, veillez à ce que les conflits avec les fascistes aient lieu de manière à ne pas attirer la répression policière sur ces militant·es : gardez une séparation spatiale.

Au niveau national, votre groupe peut être affilié avec le réseau Torch si vous en acceptez les règles : www.torchantifa.org. ‌‌(NdT: en France, l'équivalent est La Horde, même s'ils n'ont pas forcément de règles communes).

Agissez !

Maintenant que votre groupe est constitué, que faites-vous?

1) Établir une présence en ligne

Si vous êtes un groupe public, établissez une présence en ligne. Nous recommandons de limiter celle-ci à un site internet et/ou à Twitter. Si vous faites un groupe Facebook pour un événement, veillez à ce que la liste d'invitation soit privée: de nombreuses personnes ont vu leurs informations être dévoilées sur la base de ces invitations. Pour plus d'information sur la sécurité de base en ligne, voir: https://itsgoingdown.org/time-beef-defense-against-far-right-doxxing.

2) Commencez la surveillance

Collectez des informations sur les groupes d'extrême droite locaux, incluant les organisations, les noms, les photos, adresses et lieux de travail. Cela peut inclure des militants Alt-Right, KKK, des skinheads nazis, des partis néo-nais, des suprémacistes blancs en costume, des antisémites, des islamophobes, des militants anti-immigration, des patriotes et des milices, et d'autres. La carte SPLC liste des groupes par État, même si elle est incomplète. Vous pouvez également regarder du côté de groupes nationalistes établis tels que Identity Evropa et le Traditionalist Worker Party (NdT: dissous en 2018), ils ont peut-être des antennes locales dans votre zone. Vous pouvez également lire les rapports d'autres groupes antifascistes pour vous aider à avoir un aperçu de qui regroupe dans votre zone.

TRS, Counter-Currents, et Identity Europa à HWNDU. Vous reconnaissez quelqu'un en plus de Peinovich et Damigo? pic.twitter.com/x0WtEdbtkz

— New York City Antifa (@NYCAntifa), 7 février 2017

3) Collages et tractage

Si des groupes racistes collent des autocollants ou des tracts dans les quartiers, organisez des patrouilles pour les arracher. Utilisez un outil de grattage, car il est arrivé que des rasoirs soient placés derrière les autocollants. Créez vos propres campagnes antifascistes d'autocollants, de tracts, de "wheatpasting" et de graffitis.

Il s'avère que les gens de Georgia Tech n'aiment vraiment pas Identity Evropa ou le reste des groupes de l' "alt-right". #gatech #antifa pic.twitter.com/TPCXzNMWmK

— Atlanta Antifascists (@afainatl) February 11, 2017

4) Afficher les fascistes

Après avoir fait vos recherches, communiquez les informations à propos des organisations ou personnes racistes présentes dans votre zone. Les informations que vous présentez doivent donner suffisamment d'informations pour démontrer que la cible est clairement raciste. Ces informations doivent inclure, si possible: une photo, une adresse, un numéro de téléphone, les profils de réseaux sociaux, et les informations d'employeur. Nommez ses liens à des organisations et des captures mettant en évidence ses vues racistes et fascistes. Faites suivre cet affichage d'une campagne de pression : appelez leur travail et essayez de les faire virer, informez leurs voisins par des prospectus ou du porte-à-porte.

Cependant, lorsque vous présenterez vos informations, vous aurez dévoilé votre jeu, et il vous sera généralement difficile d'en recueillir davantage par la suite. Sachez également que votre cible deviendra agresssive en la nommant : vous pouvez avoir été ignorés en tant que groupe public pendant un an à faire des actions antifascistes, mais une fois que vous aurez désigné un raciste local par son nom, il vous visera particulièrement.

Soyez sûr·e que vos informations sont correctes. Vous perdrez en crédibilité et vous vous créerez des ennemis si vous affichez une adresse ou un lieu de travail qui n'est plus celui des fascistes. La majorité de vos recherches peut être faite en ligne, mais certaines choses ne peuvent être vérifiées que physiquement.

5) Annuler des événements

Faites pression sur les lieux d'accueil d'événements racistes ou fascistes afin qu'ils les annulent. Faites en sorte de bien préparer votre sujet, car la première question sera “Comment savez-vous qu'ils sont racistes?”. Commencez par une approche amicale au téléphone, car ils ne sont souvent pas informés de l'orientation politiques des événements qu'ils accueillent. Cependant, s'ils n'annulent pas immédiatement, il sera nécessaire de faire pression. Recueillez des numéros de téléphone, des adresses électroniques et des contacts sur les médias sociaux et appelez pour une fermeture. Nous avons constaté qu'il est utile de réaliser des graphiques et de courtes vidéos facilement partageables. Menacez de boycotter la salle si l'événement a lieu, et mettez cette menace à exécution. À Montréal, un concert raciste a été annulé après que les antifas ont physiquement bloqué l'entrée.

Alerte: La conférence “Atlanta Forum” Alt-Right/suprémaciste blanche programmée pour le 28 janvier https://t.co/VldH7NNeem pic.twitter.com/tBq9PiLm9s

— Atlanta Antifascists (@afainatl), 9 janvier 2017

6) S'entrainer à l'autodéfense

Mettez en place des lieux d'entrainement antifa ou des formations régulières d'auto-défense. Certains groupes en organisent deux en parallèle : l'un mixte, l'autre pour les femmes, les personnes trans et en non-conformité de genre. En plus de fournir des compétences, les formations sont de bons moyens d'accroître la confiance en soi et de rencontrer de nouvelles personnes. (Un réseau d'entrainement antifa existe en Europe).

Le groupe Vancouver Antifa (BC) reporte une attaque sur l'espace du 38 Blood Alley, apparemment par les Soldiers of Odin pic.twitter.com/36SzQCKMD9

— New York City Antifa (@NYCAntifa) January 3, 2017

7) Événements : avantages et présentation

Si votre groupe a une présence publique, présentez des tables lors d'événements avec de la littérature antifasciste, des autocollants, des badges, des patchs, etc. Ceci est particulièrement important sur les scènes culturelles où les fascistes recrutent, afin d'aider à organiser la résistance à ces derniers, ainsi que pour atteindre de nouveaux participants et faire pression sur ceux qui ne veulent pas s'engager.

Si vous êtes dans un espace politique favorable, organisez des levées de fonds. Les concerts sont une forme populaire, mais soyez créatifve ! Le mouvement antifasciste va avoir besoin de beaucoup d'argent, et il est mieux de collecter des fonds avant qu'au moment où on en a besoin. Prenez également l'habitude d'écrire et de faire d'autres actions de soutien pour les prisonniers politiques antifascistes et autres. Pensez à faire des dons au Fonds international antifasciste de défense, qui collecte des fonds pour les prisonniers partout dans le monde.

8) Manifestations

Si des racistes organisent des rassemblements publics, organisez des manifestations de masse contre eux avec des groupes alliés qui sont prêts à travailler avec vous. Vous pouvez également vous joindre à d'autres manifestations, telles que Black Lives Matter ou pour les immigrants et les réfugiés, avec des drapeaux et des bannières antifa – mais veillez à respecter les organisateurs et à ne pas vous opposer à leur message. Prenez des photos avec des bannières antifa, floutez les visages et mettez-les sur les médias sociaux.

Comment gérer les fascistes dans vos quartiers pt.10 #antifa pic.twitter.com/J7lpjASklo

— Antifa DFW (@AntifaDFW), 12 décembre 2016

En général, le travail militant antifasciste s'inscrit dans un certain nombre de pratiques à l'intérieur du mouvement radical plus large contre le suprémacisme blanc en particulier, et contre les oppressions et les hiérarchies en général. L'antifascisme n'est pas une idéologie autonome; c'est juste un rouage d'un ensemble plus large, tout comme le soutien aux prisonniers. Les fascistes ne ciblent pas seulement les personnes de couleur — ils sont aussi contre les personnes de confession musulmane, les juifves, les personnes LGBTQ, les migrant·es et les réfugié·es, les féministes, les gauchistes, etc. Assurez-vous que l'antifascisme s'inscrive dans les autres mouvements d'émancipation.

Culture de la sécurité et sécurité sur internet

Si vous êtes un militant novice dans le cadre d'activités qui peuvent être ciblées par la police et d'autres personnes, familiarisez-vous ainsi que vos camarades avec des protocoles de sécurité et mettez en place des mesures de sécurité en ligne, dès le début. Il est courant que les groupes soient plus ouverts au début et plus fermés par la suite ; essayez d'éviter cette dynamique en commençant par jouer cartes sur table et en continuant à le faire dans le temps.

Il est préférable que les membres ne soient pas sur les réseaux sociaux. C'est malheureusement à double-tranchant, mais ça permet d'apporter plus de protections si les antifa évitent Facebook et d'autres plateformes similaires.

Gardez également à l'esprit que ces mesures de sécurité sont particulièrement utiles pour garder l'anonymat face aux fascistes, mais ne vous protégeront pas vraiment face aux ressources de l’État. La police a des ressources de surveillance plus importante que le groupe suprémaciste blanc du coin.

Posters, prospectus, stickers et davantage pour contrer la présence médiatique de 'Identity Evropa' et l' 'Alt-Right' sur les campus et alentours #Antifa https://t.co/uNwXylM2ci pic.twitter.com/vRM4ejjTuX

— It's Going Down (@IGD_News), 15 décembre 2016

Certaines applications peuvent vous aider à mettre en place une sécurité en ligne, comme Signal (messages et appels), KeePassX (gestion de mot de passe), TOR (navigateur internet), Pad.riseup.net (“outil collaboratif en temps réel”), Jitsi.org (conférences en ligne), PGP (cryptage de mail et de documents), Mailvelope (cryptage pour un webmail), OwnCloud (alternative à dropbox et googledocs) et PowerBase (solution de base de données). En outre, prenez le temps de vous retirer des moteurs de recherche.

Une discussion approfondie de la culture de la sécurité et de la sécurité numérique dépasse le cadre de ce guide, mais des points de départ ont été inclus dans la liste de lecture ci-dessous.

Lectures supplémentaires

Culture de la sécurité générale

Culture de la sécurité: Un manuel militant

Cultures de la sécurité

Culture de la sécurité pour les militants

Sécurité en ligne

Comment protéger ses communications de Trump

Astuces de sécurité en ligne pour les manifestant·es

Sécurité clé-en-main: outils et tactiques de sécurité en ligne

Votre téléphone est un flic : une introduction aux méthodes OpSec/InfoSec Primer pour le présent dystopique

Votre téléphone est un flic 2 : être arrêté·e avec votre téléphone

Il est temps de renforcer la défense contre le "doxing" de l'extrême droite

Prendre la parole & rester en sécurité : Un guide pour se protéger du harcèlement en ligne

Comment vous retirer des moteurs de recherche

Informations et analyses antifascistes

It’s Going Down

Anti-Fascist News

Three Way Fight

Idavox / One People’s Project

Réseaux de prisonniers antifascistes

International Anti-Fascist Defence Fund

Global Antifa Prisoner List

Ressources d'organisation

TORCH Antifascist Network

Comment former un groupe affinitaire

https://itsgoingdown.org/form-affinity-group-essential-building-block-anarchist-organization

#TrumpTheRegime: Ressources et résistance à Trump et l'extrême droite

Bloc Party : Comment rejoindre la résistance Interview & Zine

Recipes for Disaster: An Anarchist Cookbook

Comment créer un groupe antifasciste ?

Ressources pour l'action antifasciste

Mots clés

MaddyKitty

Anarchiste et femqueer