Un faux groupe de “féministes radicales”, façade politique de l'organisation anti-LGBT de James Dobson
Autrice : Rani Baker
Traducteurice : MaddyKitty
Publié initialement : 10 avril 2017
Le Front de libération des femmes (Women's Liberation Front/WoLF) est un groupe militant supposément féministe radical qui, comme le note Pink News, montre “peu d'intérêt aux problèmes de femmes qui ne sont pas liés aux personnes transgenres”. Elles prétendent faire campagne pour une législation pro-choix et pour l'autonomie des femmes, mais les preuves (ou les appels) à de telles actions sont complètement absentes de leur site internet (archivé ici pour que vous n'ayez pas à leur donner des vues) en dehors de cette vague déclaration de principe. Ce qu'on peut voir, par contre, c'est un ensemble de collusions avec des médias de droite pas vraiment bienveillants sur les questions féministes. Ce point est intéressant lorsqu'on comprend d'où vient leur financement.
La droite religieuse anti-LGBT diffuse activement les messages des universitaires féministes anti-trans et adopte leur terminologie depuis quelques années. L'objectif est de s'éloigner des positions habituelles rétrogrades qui, selon eux, leur ont fait perdre la bataille culturelle sur le mariage gay, et à la place d'adopter un langage et un message qui sera à même d'infiltrer et de diviser les cercles progressistes. Des groupes comme le WoLF sont plus qu'heureux de leur offrir cette transformation moderne et brillante. Depuis la conférence baptiste du Sud de 2014, la droite religieuse a consciemment fait évoluer sa position du mariage gay vers les droits des personnes transgenres. Malgré leur croyance profonde que les valeurs familiales sont menacées par le féminisme, les droits gay et le militantisme trans, les groupes de la droite religieuse tels que la Family Research Council se sont volontiers appuyé sur les positions anti-trans de Barney Frank, membre homosexuel du Congrès états-unien, ainsi que les travaux universitaires de la féministe anti-trans Janice Raymond, pour renforcer leur position. C'est la stratégie classique du “coin”.
Source : Stratégie du coin, Wikipédia.
Cependant, revenons-en au WoLF, qui a reçu une subvention de 15 000$ (NdT : à peu près 14704,22€) en provenance du groupe de la droite religieuse Alliance Defending Freedom et a collaboré avec la Family Policy Alliance contre l'affaire judiciaire de Gavin Grimm engagée au titre du Title IX, renvoyée à plus tard.
(Autre source : https://edition.cnn.com/2021/06/28/politics/gavin-grimm-supreme-court/index.html)
Le Title IX (ou Titre 9) est le nom de l'amendement Title IX of the Education Amendments of 1972, voté en 1972. Celui-ci interdit toute discrimination sur la base du sexe dans les programmes d'éducation.
Voir plus : Titre IX
Ça n'a rien d'un secret. Un e-mail datant du 5 novembre 2016 décrit le 1er élément de cette façon :
Kara Dansky, membre du conseil d'administration de la WoLF, a demandé et obtenu une subvention de 15 000 dollars de l'Alliance Defending Freedom, un groupe d'avocats conservateurs qui représente les États et les parents dans des procès similaires au nôtre dans tout le pays. C'est assez phénoménal.
En ce qui concerne le dernier élément, il a été vanté dans un récent communiqué de presse :
La Alliance Defending Freedom est un gros cabinet juridique en lien avec la droite religieuse chrétienne évangélique qui, je cite, “cherche à retrouver la robustesse de la théologie chrétienne des 3ème, 4ème et 5ème siècles” (NdT : de notre ère).
Ca vous rend déjà nerveuxse ? Parce que c'est complètement hallucinant.
Ce groupe est devenu une force importante qui contribue à élaborer et mettre en place une législation sur la “liberté religieuse”, cherchant à contourner toute protection des personnes LGBT en matière d'emploi, de logement, de santé ou d'aménagement public par le biais d'une clause d'exception liée aux “convictions religieuses”. Ils considèrent sérieusement que le refus de servir des personnes LGBT constitue une forme de militantisme pour les droits civiques qui n'est pas sans rappeler celui de Rosa Parks. Ce cabinet, auquel le Women's Liberation Front a demandé une contribution, prône un retour des lois sur la sodomie qui, rappelons-le, n'ont été annulées au niveau fédéral qu'en 2003.
Et on ne fait que commencer.
Ce groupe a été fondé par James Dobson et Alan Sears. Le nom de James Dobson vous dit peut-être quelque chose si vous suivez les législations anti-LGBT, et nous y reviendrons rapidement. Parce qu'il y a beaucoup de chose à dire sur lui. Mais parlons d'abord de Sears pour commencer.
Source : Amicus Curiae, Wikipédia.
Alan Sears est le co-auteur du livre The Homosexual Agenda: Exposing The Principal Threat To Religious Freedom Today. C'est un livre confus qui plaide en faveur des thérapies de conversion pour les homosexuels, qui documente de manière obsessionnelle les transgressions supposées à des degrés divers de la part des “activistes homosexuels” et qui suggère que toute tentative de codifier les protections des homosexuels dans la loi constitue une atteinte à la liberté des chrétiens de pratiquer leur religion. Si l'on considère que les militants anti-trans passent leur journée à défendre les thérapies de conversion, à documenter de manière obsessionnelle les transgressions supposées, à des degrés divers, d' “activistes trans” et à suggérer que toute tentative de codifier les protections des personnes trans dans la loi est une atteinte à la liberté des femmes, on peut voir où commence la convergence. Des livres équivalents, comme The Pink Swastika, sont, à quelques variations sémantiques près, identiques aux traités idéologiques anti-trans tels que Transsexual Empire: The Making of the She-Male et Gender Hurts.
En ce qui concerne James Dobson... où commencer ? James Dobson plaide pour le meurtre des femmes trans qui tentent d'utiliser des toilettes. Il prétend que les promoteurs du mariage gay sont littéralement des nazis. C'est un début prometteur. Il est le fondateur du groupe Focus On The Family, aussi connu sous le nom de Family Policy Alliance, partenaire du WoLF dans l'affaire Gavin Grimm. Ce groupe plaide également pour les thérapies de conversion gays, la modification des lois sur l'immigration pour déporter les réfugié·es LGBT dans les pays où ils seront torturés, emprisonnés ou exécutés, et se consacre à la remise en cause des lois sur l'avortement et au rétablissement des valeurs familiales des années 1950.
Il est donc évident que le Women's Liberation Front travaille activement avec des groupes dont l'objectif est totalement opposé à ce que le féminisme devrait soutenir, n'est-ce pas ?
Ah ah ah, mais ce n'est toujours pas fini.
Le 12 janvier 2017, des notes de réunion du conseil d'administration du WoLF ont fuité, ce qui a même alerté d'autres féministes anti-trans. Les voici :
Le conseil d'administration a voté à l'unanimité pour engager Imperial Independent Media afin de collecter des fonds pour le WoLF sur la base d'une commission de 20%, et pour autoriser Natasha à conclure un contrat pour ces services au nom de WoLF.
Imperial Independent Media est dirigé par un certain Zachary Freeman, un militant lié au groupe Focus On The Family, qui a récemment fait parler de lui à propos d'une action de justice visant à recueillir et diffuser les noms des employé·es des cliniques d'avortement en les remettant au groupe d'activistes anti-avortement de la droite religieuse Center For Medical Progress. Ce groupe a récemment fait l'objet de 15 inculpations pour atteinte à la vie privée et enregistrements illégaux d'employé·es de cliniques d'avortement. Ces enregistrements ont été utilisés dans des vidéos bidons pour propager le mythe complètement démystifié de la “vente de tissus fœtaux”, qui ont sérieusement menacé les financements du Planned Parenthood l'année dernière (NdT : 2016).
Il est particulièrement important de noter que Freeman/Imperial Independent Media ont conclu avec le WoLF un accord de commissionnement. Les activités de collecte de fonds de l'un bénéficieront financièrement à l'autre.
Ce n'est pas la 1ère fois que des TERFs travaillent avec des groupes anti-féministes/LGBT pour cibler les enfants transgenres. En 2014, l'avocate TERF Cathy Brennan et son organisation féministe radicale ont travaillé avec le groupe anti-avortement/LGBT Pacific Justice Institute (PJI) pour cibler une adolescente trans âgée de 15 ans, ce qui a conduit à la placer sous surveillance médicale pour tentative de suicide.
En outre, les politiciens du Tea Party citent la propagande TERF dans leurs travaux ciblant les personnes trans :
Si vous pouvez le supporter, vous pouvez lire ce que les TERFs prônent elles-même comme étant leurs buts et objectifs sur TheTerfs.com, un site de veille qui suit le mouvement de haine anti-trans qui se présente (assez souvent aux yeux des médias grand public) comme le mouvement féministe radical lui-même.
L'avocate anti-trans (NdT : je n'ai pas suivi la dénomination du site, qui l'avait décrite comme Trans Exclusionary (self-identified) “radical feminist”) Cathy Brennan, nous a envoyé, par le biais de son avocat, une lettre de cessation et de désistement, affirmant que la déclaration suivante est fausse et doit être censurée supprimée :
Ce n'est pas la 1ère fois que des TERFs travaillent avec des groupes anti-féministes/LGBT pour cibler les enfants transgenres. En 2014, l'avocate TERF Cathy Brennan et son organisation féministe radicale ont travaillé avec le groupe anti-avortement/LGBT Pacific Justice Institute (PJI) pour cibler une adolescente trans âgée de 15 ans, ce qui a conduit à la placer sous surveillance médicale en cas de suicide.
Voir la vérification des faits et lire la lettre de cessation et de désistement dans l'article suivant de TransAdvocate :
Vérifions les faits : Après que le canular d'un groupe haineux visant une jeune fille transgenre de 15 ans a été démystifié, Mme Brennan contacte le groupe haineux ; après que les principales agences de presse ont retiré leurs articles basés sur les affirmations désormais démystifiées du groupe haineux, Mme Brennan obtient une série de nouveaux points de discussion qui lui ont été fournis par le groupe haineux et les distribue par le biais des comptes de médias sociaux anti-trans de son organisation. Enfin, la haine sadique inspirée par le récit du groupe haineux a abouti à la mise sous surveillance de l'adolescente transgenre pour tentative de suicide.
Chronologie des événements
Début des mensonges (10/10/2013)
Le Pacific Justice Institute, un groupe de haine anti-LGBT, invente une histoire, prétendant qu'une adolescente trans aurait harcelé sexuellement des adolescentes cis dans les toilettes pour femmes. L'école n'aurait rien pu faire pour l'éviter à cause d'une politique de non-discrimination qui couvre l'identité de genre.
Le mensonge est dévoilé (14/10/2013)
Le TransAdvocate dément les affirmations du PJI. Malgré cela, voici un avant-goût de la haine que ce mensonge a suscité à l'égard de la jeune fille transgenre :
[CW violence/appel au meurtre]
L'histoire mensongère est toujours en ligne sur le site de Fox News.
Gender Identity Watch (14/10/2013)
L'organisation de Brennan, Gender Identity Watch, un groupe déjà identifié comme anti-trans, a diffusé du contenu soutenant les affirmations fausses et hautement stigmatisantes de PJI sur la jeune fille trans.
Bien que l'école elle-même ait démenti, le 14 octobre 2013, le récit que Gender Identity Watch mettait en avant (c'est-à-dire le récit de PJI), Brennan a affirmé que le démystification était “un tissu de conneries” et qu'elle allait contacter la source des affirmations contre l'adolescente trans, PJI, elle-même.
Démenti & rétractation : le GIW ne s'arrête pas là (15/10/2013)
Le 15 octobre 2013, les principaux organes de presse se rétractent et suppriment les faux qu'ils avaient publiées sur la jeune fille trans, sur la base des affirmations du PJI. Malgré cela, le groupe de Brennan a continué à promouvoir celles-ci.
Un travail commun entre GIW et le PJI (16/10/2013)
Après avoir contacté PJI, et après que les principaux médias aient retiré leurs articles et présenté leurs excuses à la jeune fille, le groupe de Brennan a rendu publics les points de discussion de PJI à TransAdvocate via Twitter, tout en diffusant les points de discussion de PJI sur ses propres réseaux sociaux.
Le calvaire culmine par une mise sous surveillance de l'adolescente (24/10/2013)
Le 24 octobre 2013, l'adolescente transgenre a été placée sous surveillance pour cause de suicide.
À la lumière du comportement documenté ci-dessus, axé sur le soutien et le maintien d'un récit médiatique manifestement faux, ciblant un jeune trans innocent, et conçu par un groupe haineux anti-LGBT, on pourrait être tenté de considérer un tel comportement obstiné comme les actions d'une personne impliquée dans, comme plusieurs milliers de personnes l'affirment, un “groupe haineux” anti-trans. Un tel comportement pourrait démentir les revendications d'un statut de “féministe radicale” autoproclamé. Dans ce cas, on pourrait comprendre la motivation qui pousse une personne à tenter d'intimider des journalistes trans pour qu'ils censurent certains faits chronologiques relatifs à des informations concernant de fausses organisations “féministes radicales” financées par des organisations anti-femmes/anti-LGBT liées à James Dobson.