Transphobie en milieu anar/d'extrême gauche: Partie III

Le postmodernisme et les théories Queer : Comment créer une "peur des trans"

CW: Transphobie/Racisme/Psychophobie...

Le postmodernisme sert souvent d’épouvantail de la part des milieux d’extrême droite et de droite (notamment par des fafs comme Jordan Peterson ou autres enflures). Par son côté assez flou (regroupant souvent des auteurs en désaccord), et ses concepts souvent différents les uns les autres, une critique du post modernisme peut être particulièrement compliqué, et l’on est facilement tenté de tomber dans la caricature ou la déformation de propos. Bien sur, une critique est toujours possible, mais elle devrait se faire avec précaution (surtout dans le cadre où celle-ci est récupérée par l’extrême droite, notamment pour taper sur les femmes et les personnes queer). Ici, aucune réflexion critique n’est faite à ce sujet. Chez ces militants, comme pour les concepts précédents, le postmodernisme n’est souvent qu’évoqué. Sa complexité est complètement niée et au final, son utilisation diffère peu de celle que l’extrême droite utilise. En utilisant de cette manière l’imaginaire que la droite associe à ce terme (imaginaire profondément misogyne et transphobe) sans tenter d’opérer un recul, il n’est pas étonnant de voir son utilisation systématiquement utilisée contre des personnes trans/queers.

Pour renforcer cette utilisation du post-modernisme comme épouvantail anti-trans, un lien est très souvent fait avec les théories queers (ou, là encore, leur caricature). Dans ce cadre d’analyse, les personnes queers deviennent la conséquence du post-modernisme, et par conséquent leurs héritiers directs (et donc évidemment à combattre). A cela, un.e philosophe revient principalement, à savoir Judith Butler. Malheureusement, il est très commun que Judith Butler soit érigé.e comme parangon de la théorie Queer et essentiellement «  lea trans à abattre » ( ce qui ne signifie évidemment pas qu’iel soit à l’abri de toute critique, que ce soit de ses actes ou de ses idées bien sur). Les déformations sont nombreuses, mais voici celles qui reviennent souvent :

  • Nier la complexité de toutes les théories queers, (qui ne se limite, ni ne s’arrête à Judith Butler),
  • Assimiler le terme queer aux théories queers, (insulte réappropriée par les personnes de la commu LGBTQIA+ bien avant l’apparition des théories Queer)
  • Considérer que les personnes trans ne se réfère qu’aux théories queers (alors que là encore, c’est évidemment faux)
  • Voir Judith Butler exclusivement comme héritièr.e du post-modernisme (alors que son travail est aussi issu directement des travaux de féministes radicales tel que Monique Wittig)

Relativisme et Postmodernisme

Une critique qui est souvent utilisée pour associer théorie queer, postmodernisme et libéralisme, serait que le post modernisme (et/ou les théories queers) serait "relativiste", et par conséquent qu'elle conduirait à soutenir implicitement le statu quo existant par son relativisme existant.

Outre l'implication politique de féministes comme Butler (totalement critiquable, mais ne s'approchant en aucun cas d'un quelconque relativisme), le centralité de cet argument dans le cadre de la transphobie, tourne souvent autour de la question du sexe et du genre...

Selon ces militants transphobes, les théories postmoderne disent que sexe et genre ne voudrait plus rien dire, et donc qu'on pourrait dire et faire n'importe quoi. (ce qui est faux,le fait que selon Butler par exemple, le genre n'ai pas d'essence et ne repose sur rien, ne signifie en acun cas qu'il n'est plus possible d'en parler, au contraire). Oubliant les centaines de féministes "non postmodernes" qui ont déjà démoli cette séparationde sexe et genre, , il s'agit en son sein d'une posture conservatrice: Plutot que de questionner ces notions centrales dans le discours patriarcal, iels préfèrent s'accrocher à une vision plus binaire (et sexiste) et essentliste, quitte à affirmer leur transphobie. On retrouve ici des mécanismes ransphobe plus larges, qui transparaissent dans touts groupes qui seréclame d'un "féminisme" transphobe.

Un autre texte à la limite de se plaindre que les hommes hétéros soit oppressées par les méchantes féministes postmodernes

Bref, toutes ces déformations vont avoir pour but d’assimiler, là encore les théories queers (et par assimilation les personnes queers) à la pensée libérale, et donc de créer (ou plutôt alimenter) l’image de la personne queer comme figure centrale du libéralisme et donc contre-révolutionnaire. Cette figure anti-révolutionnaire, les militant.es queers la connaissent malheureusement beaucoup trop. Nous verrons qu’elle revient constamment dans les rhétoriques utilisées et ce n’est pas étonnant. Il s’agit d’un point essentiel de la transphobie de tout bord, (qui dans ces cadres les plus extrêmes peut avoir de forts relents antisémites). Les personnes trans seraient soutenues par le capitalisme, iels ne seraient « pas assez oppressée »…

Cette extrait opère un magnifique retournement de situation, ou les personnes queers serait forcément héritière des queers studies. En outre l'idée que les théories queers soit la encore réduite à du rainbow Capitalism me semble erronée (alors que bcp de théories queers radicale existent encore)

Identity Politics et Post-modernisme : un mariage bidon ?

Un autres des arguments qui revient souvent dans ces textes,est que les théories post-moderne, en particulier les théories queers, serait des exemples de politiques identitaires ("Identity Politics"). Ce rapprochement est souvent utile, car, comme vu dans la partie II, ce concept peut lui aussi être utilisé à des fins réactionnaires.

Cependant ce rapprochement est souvent faux, et peu de théories jugées "postmodernes" ont à voir avec l'identité. Par exemple, Judith Butler parle très peu d'identité et bien plus de performance (un concept qui nécessiterait un article à lui tout seul). Or cette performance est bien plus un état de choses qu'un discours identitaire. Pour plus de détails, voici une critique de Butler, de ce qu'on pourrait appeler "identity politics": https://paas.org.pl/wp-content/uploads/2012/12/3.-Judith-Butler-Imitation-and-Gender-Insubordination.pdf

Je ne doute pas que beaucoup des personnes qui s’inscrivent dans ces rhétoriques militantes ne pensent pas de telles choses. Toujours est-il qu’un continuum clair existe entre ces idées et la rhétorique utilisée. Continuum au niveau des idées mais aussi (comme nous le verront dans la partie sur les liens idéologiques entre d'autres groupes politiques) au niveau des liens entre militants.

Bref , là encore, il s’agit beaucoup moins d’une critique du fond de théories et concepts philosophiques, mais beaucoup plus de caricatures et déformations qui vont avoir pour conséquence d’ériger les personnes queers comme entité libérale et dont l’attitude et la pensée sont essentialisées et théorisées pour justifier une transphobie « militante ».

Je tiens aussi à rappeler que beaucoup de ces points ne sont malheureusement pas spécifiques aux milieux anars. L’association de Butler et des théories/personnes queers au néolibéralisme est un point systématiquement fait par les milieux d’extrême droite qui tentent de se détacher du libéralisme. Cette association est aussi particulièrement utilisée par les milieux confus anticapitalistes qui vont souvent s’en servir pour porter la transphobie dans des cercles plus militants. En fait, (et pour résumer) la queerphobie pour se « théoriser » et/ou se rendre acceptable se transforme quasi systématiquement en critique des théories "post-modernes". (L’inverse n’est pas vrai bien sur, on peut faire une critique des  mouvements post-modernes sans être transphobe, encore faut-il le faire avec précaution).

Ressource Supplementaires

Qqes ressources sur le postmodernisme,Butler, les théories queers que j'ai pu rencontrer en cours de route:

CuckPhilosohy présente, dans la vidéo qui suit, quelques bases du postmodernismes (en anglais):

Mad Freaks Pride parle (très bien) d'antipsychiatrie, post-structuralisme et validisme.

Une analyse des discours sur le postmodernisme, les luttes queers et le marxisme en pleine Sex Wars, par Judith Butler : https://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2001-2-page-201.htm