Transphobie en milieu anar/d'extrême gauche: Partie I

Content Warning: transphobie/queerphobie/psychophobie/validisme/sexisme/racisme...

Florilèges de réactions diverses et variés symptomatique de la transphobie décrite dans cet article. Entre les messages de types "vous vous trompez de combat" lors de dénonciation de la transphobie et reprise des pires réthoriques terfs sur la place des femmes trans dans les luttes féministes (la 1e image parle des personnes trans dans le sport suite à un tweet transphobe)

Tout d'abord, quelques avertissement/introduction nécessaires à la compréhension :

Les milieux d'extrême gauche, comme l'ensemble des mouvements politiques, sont traversés par une transphobie systémique. Si la transphobie est évidemment plus ouverte et bien plus importante dans les milieux réactionnaires et/ou libéraux, celle-ci reste néanmoins un problème important et structurel dans tout mouvement politique. La thèse de ce texte porte sur la façon spécifique dont la transphobie systémique s’exprime et se développe dans les milieux anars/d’extrême gauche.

tout ces screens proviennent de personnes ou groupes qui se réclame anarchistes. Pour la plupart d'entre elleux, elles sont considéré par un nombre non négligeable comme fréquentable et leur discours n'est que rarement voire jamais remis en question

Ensuite, les milieux abordés sont en grande partie des milieux anarchistes, notamment individualistes, et ce texte s'attarde principalement sur leur présence et leur discours en ligne. Il serait évidemment réducteur de considérer cela comme l'intégralité du mouvement anarchiste, ou même des actions des collectifs et mouvances évoqués, mais cela reste une part importante des mouvements en questions, et on ne peut pas réduire ce problème à "des paroles sur le net".

De plus, cette analyse risque de nous amener dans d'autres milieux souvent plus a droite, qui n'auront "a priori" rien a voir avec les milieux d'extrême gauche. Cependant, j'ai choisi délibérément de penser un continuum entre les milieux plus réactionnaire et ces milieux anarchistes, par la transphobie et d'autres idéologie réacs qui vont l'alimenter.

voici le genre de milieu vers le quel on se retrouve assez rapidement, en suivant la transphobie.

(Non pas parce qu’adhérer à telle pensée anar va vous conduire vers tels milieux réacs, mais parce que la transphobie va récupérer cette pensée pour la lier et la mener vers une pensée réactionnaire)

Enfin, cette analyse n'épuise évidemment pas le sujet, loin de là. Elle n'est ni parfaite, ni exhaustive, ne serait-ce que sur la transphobie dans ces milieux. Il y aurait aussi beaucoup à dire sur d'autres pensées réactionnaires (sexisme/racisme/validisme) qui vont graviter autour de ces milieux là, mais je n'ai ni la capacité, ni la légitimité pour le faire (certains liens seront cependant faits de temps en temps)

Bref, une fois ceci dit, on va pouvoir commencer.

Introduire la transphobie sans être transphobe:Le difficile pari de l’anar transphobe.

Le principal problème auquel le discours transphobe se retrouve confronté est que dans les milieux d’extrême gauche, spécialement anarchistes, la transphobie explicite est particulièrement refusée. Bien qu’à relativiser (car cette posture est in fine relativement récente, et n’est pas du tout commune), ce refus général affiché de la transphobie rend la propagation de celle-ci plus difficile. A ceci s’ajoute que les principaux mouvements transphobes sont libéraux et/ou d’extrême droite, ce qui limite fortement les ressources disponibles. En dehors de la transphobie plus explicite, ces anars (ou plus généralement ces militant·es) transphobes se retrouvent donc avec un problème de taille qui va selon moi déterminer grandement la manière dont la transphobie va se développer dans ces milieux : Comment tenir et propager des positions transphobes, sans être rattaché·e aux mouvements transphobes classiques/ à l’extrême droite ?.

la tentative de se détacher des accusation,de transphobie est constante, souvent se résumant à un rapide "je ne suis pas transphobe je suis pour les droits des personnes trans " digne des plus libéraux...

Je pense qu’il est important de préciser qu’en substance, cette transphobie n’apporte rien de plus que la transphobie classique. Il n’y a au final pas de différence entre cette transphobie et la transphobie des fachos, juste une différence des mécanismes utilisés qui permet de donner cette illusion (aux autres et sûrement aux militant.es transphobes elleux même )

Une personne (image de droite) nie la transphobie d'un anar qui s'est fait afficher pour cela. Voici l'un des tweets de l'anar en question. L'illusion peut être assez forte...

Annexe 1: "mais il n'était pas transphobe, il n'aimait juste pas les transactivistes"

Il est intéressant de remarquer que dans le cadre des dites accusations ci-dessus, une remarque constante de la part de militant·es anars soucieuxses de contester cette accusation a consisté à nier purement et simplement toute transphobie. Nous verrons plus en détail comment par la suite (à savoir en déguisant la transphobie en une critique du “transactivisme”). Cependant, si lesdites preuves/tweets ne suffisaient pas (alors que, soyons honnêtes, elles étaient assez explicites) une rapide recherche sur ces personnes suffisait à révéler une transphobie crasse, qui ne se cachait absolument pas. 2 choses sont à remarquer: premièrement c'était systématiquement à la personne trans de fournir ces recherches complémentaires (généralement sous les explications de ce qu'est la transphobie de la part de personnes cis en ayant une définition particulièrement restrictive). Deuxièmement, la situation dans ces groupes a finalement peu changé, et aucune remise en question ne s'est faite. Une telle violence réactionnaire (car il s'agit bien d'une violence) continue d'être tolérée voire encouragée.

Cela se fait par plusieurs points, qui vont travailler en concordance :

Un concept spécifique, mélange entre homme de paille et essentialisation qui déforme et caricature un concept théorique (ici par exemple l’intersectionnalité) pour ensuite, en critiquant le concept, pouvoir taper sur les personnes trans
Le support et l’apport en ressources d’autres milieux transphobes qui se disent de gauche, pour se donner une légitimité
L’utilisation de concepts anarchistes/radfem pour se rattacher aux concepts d’extrême droites/Terfs

J'espère, dans ce court article qui sert principalement d'introduction, avoir pu expliquer à la personne qui lit ceci en quoi la transphobie est un véritable problème qui touche même les courants anti-autoritaires anticapitalistes. Fermer les yeux sur un tel problème aura pour conséquence la prolifération de ces discours transphobes et la mise à l'écart des personnes trans de luttes qui les concernent directement. J'ai conscience aussi que ce texte est pour l'instant très général et ne dit pour l'instant pas grand chose qui n'ai pas été déjà dit et redit par les militant·es trans. Les prochaines parties seront normalement plus précises et explicatives.

Pour continuer:

Quelques ressources supplémentaires qui traitent de sujets assez similaire

Voici quelques ressources traitant de sujets assez similaires, et dont beaucoup des arguments et idées risquent de revenir dans les articles qui suivront:

Un premier texte sur la transmisogynie dans les milieux de gauche aux UK: https://newsocialist.org.uk/you-are-more-oppressive-than-our-oppressors-transphobia-and-transmisogyny-in-the-british-left/

Un recueil de textes particulièrement fourni évoquant le sexisme dans les milieux anarchistes: https://theanarchistlibrary.org/library/various-authors-feminism-and-sexism-in-the-anarchist-movement