Éloge du puceau

Ce court essai a d'abord été publié dans le recueil collectif "Azine" réalisé au cours de deux week-end en juillet et août 2022 grâce à Iskis Rennes et aux Micro éditions aroaces.

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Le mot puceau ne me dit absolument rien. Pour moi, il est vide de sens. J’en conclus qu’il n’existe que dans les yeux des gens pour qui le sexe à une importance particulière (qu’iels soient effectivement “vierges” ou pas d’ailleurs).

Je suis assez convaincu-e que le sexe, le couple, l’amour et les relations humaines que ça implque, ça terrifie tout le monde en réalité, et en particulier les gens qui ont des relations sexuelles malgré tout, pour des raisons heureuses ou plus compliquées. Ça terrifie tout le monde, mais personne ne le dira. La figure du puceau, elle sert à exorciser ça.

La peur, la honte, la culpabilité, la gêne, la douleur, la violence symbolique et matérielle qu’impliquent les relations hétérosexuelles, tout ça n’est rien, parce que l’on pourrait être puceau après tout.

Le rôle que les hommes donnent aux puceaux les arrange bien. Si être puceau était respectable, comment pourraient-ils expliquer qu’ils ont harcelé et fait boire des filles qui n’auraient pas dit oui sinon ? On leur dit que leur sexe peut faire mal, mais comment pourrait-il en être autrement ? C’est soit ça, soit être puceau ! Les femmes hétéro disent volontiers que leurs hommes sont trop protecteurs, comprendre : ils sont jaloux et les culpabilisent de fréquenter les hommes de leur entourage. Mais dans leur échelle de valeurs, ces hommes sont quand même moins sujets à moquerie que les puceaux. Décidément, ils ont bon dos, les puceaux.

Il existe beaucoup de réflexions féministes qui critiquent à juste titre le mythe de la virginité féminine, qui expliquent que ça n’est qu’une construction sociale et qu’on devrait s’en ficher. Si la virginité n’est ni une vertu, ni “mieux” en soi, alors être puceau n’est pas une honte ni une insulte.

Sans doute même que le puceau est plus tranquille avec sa conscience que l’homme hétéro empétré dans les contradictions qu’impliquent sa sexualité. Bien sûr, le puceau ne fera pas la révolution féministe à lui tout seul, mais quand elle aura eu lieu, on le saura car on aura fait la paix avec lui.