Détester l'asexualité masculine: un registre féminin de défense de l'hétérosexualité

Cet article va traiter d'une catégorie très particulière de mises en récit de l'asexualité masculine : les discours produits par des femmes hétérosexuelles sur leur conjoint ou ex asexuel. L'objectif sera de voir en quoi ces discours, s'ils ont une apparence féministe et émancipatrice, sont en fait un registre réactionnaire valorisant l'hétérosexualité.

Ici, "asexuel" ne fera pas forcément référence à une identification subjective, mais à une assignation par un tiers (la femme qui produit le discours). Cette assignation se base sur la "dysfonction" sexuelle du partenaire, qui, quelque soit la cause de cet état (s'il y en a une), n'a pas de rapport sexuels, n'en parle pas, n'est pas intéressé par ça. Le mot "asexuel" n'est pas toujours posé dans les exemples que je vais mettre en avant, mais la rhétorique, les imaginaires mobilisés et les implications de ceux-ci sont les mêmes.

Je préfère préciser d'emblée qu'il n'est pas question ici d'avoir une lecture binaire de ces situations ou de tenter de démontrer que "les hommes (asexuels) sont opprimés par les méchantes femmes", sous entendant une perte totale de tous leurs privilèges masculins. Ainsi, le point de départ et le socle de mon analyse prend pour acquis que le couple hétérosexuel est une institution organisant et naturalisant l'exploitation sexuelle, domestique et affective des femmes au profit des hommes (par la sexualité [1] , l'inégale répartition du travail domestique et de care[2]). L'analyse des discours féminins défendant l'hétérosexualité est donc fondamentalement prise dans cette contradiction : des femmes défendent une institution qui les oppriment structurellement. Mais pourquoi le font-elles malgré tout ? Quelles implications cela a-t-il sur la perception de l'asexualité masculine qu'on ces femmes ?

Dernière précision s'il en fallait une. Je me concentre ici sur les discours féminins "pro-hétérosexualité", mais cela ne veut pas dire que j'estime que les hommes n'ont aucun rôle à jouer dans l'existence et la reproduction de l'hétéro-patriarcat (bien au contraire). Il y aurait aussi beaucoup à dire à propos des discours masculins sur l'asexualité masculine, comme le rôle que joue l'insulte "puceau" dans la création de connivences masculines. Ce n'est néanmoins pas le sujet ici.

Typologie d'un discours

Un premier point marquant de ce registre est qu'il est a minima moqueur, et, quand il est sérieux, à charge et méprisant. Les exemples qui vont suivre pour illustrer ces deux "pôles" (humouristique vs dénonciateur) viennent de la vidéo parodique de Broute "Etre asexuel et en couple", ainsi que de l'épisode 8 du Podcast Transfert, "Comment peut-on s'enfoncer dans une relation qui ne marche pas ?".

L'asexualité masculine est d'abord décrite comme inattendue, incongrue, incompréhensible :

-[...] Je n'ai pas de désir sexuel, je ne suis pas animé d'une quelconque envie.
-Alors que moi, au début, je pensais juste que c'était un mec bien.

Au moment des fêtes de Noël 2007, on va se retrouver, on va se sauter dans les bras comme 2 amoureux transis, voilà et... et en fait non, je me prends une seconde gifle. Moi j'essaye de communiquer une nouvelle fois avec lui, qu'est ce qu'il se passe, pourquoi tu veux pas de moi ? C'était pareil en novembre...

Ce refus du sexe est d'autant plus inconcevable que le sexe serait "normal" au sein du couple. Les réactions physiques sont interprétées comme un signal "contradictoire" :

A priori t'es avec quelqu'un dont t'es amoureux [mais] il ne veut pas de moi, malgré les avances etc. Il se passe quelque chose physiquement, y a une réaction physique parce qu'il bande.

Nous avons donc déjà ici des éléments classiques de la culture du viol : l'évidence de la sexualité au sein du couple, la pression sexuelle sur la fréquence des rapports et la remise en cause du bien fondé du refus dû à une réaction physique ou à toute autre attitude jugée "sexuelle". Ces éléments appuient la réalité de la "faute" du conjoint. Dans ce discours, la conséquence de cette situation est une "misère sexuelle" décrite par une large variété d'expression appartenant aux champs lexicaux de la violence et de la tristesse (la "gifle" citée plus haut, mais également "cauchemar", "un petit tunnel qui se creuse en moi, une espèce de vide", "je me sens malheureuse", "hyper triste, dans tous mes états", "Je suis hyper frustrée et aigrie de la vie, je deviens clairement une mal-baisée quoi, je suis pas bien, chuis pas bien. Je suis aigrie."...)

Dans le registre humoristique, cette "misère sexuelle" sera plutôt représentée de façon pathétique :

Pour la Saint-Valentin, il m'a offert un dîner au chandelles avec du bon vin, dans une chambre d'hôtel. Mais il s'est rien passé derrière...

Jusqu'ici, rien ne justifie particulièrement de voir ces récits autrement que comme des expressions de la culture du viol, parlant de violences sexuelles du point de vue de l'agresseuse ; ils sont atypiques puisqu'ils renversent le schéma hétérosexuel typique de l"homme "actif" et de la femme "passive", mais peuvent aussi bien concerner des hommes asexuels, hétéro ou bisexuels. C'est d'ailleurs un reproche légitime que l'on fait lorsqu'il est question de justifier la pertinence même d'une lecture "asexuelle" des violences sexuelles, alors que la contrainte à la sexualité sera une expérience commune à toustes (en particulier à toutes les femmes), et puisque nous serions toustes amené-e-s à avoir des variations de libido, d'envies dans nos sexualités. Ici, je distinguerai deux types de discours: :

  • Une plainte pour avoir du sexe, une affirmation que le couple va être en crise (culture du viol)
  • La question devient identitaire (quelque chose cloche chez l'homme, pour la femme produisant le discours, on trouve la question de "rater sa vie"), c'est un problème pressant, le couple est en crise ou au bord de la rupture et l'unique cause invoquée est la dysfonction sexuelle (l'asexualité est en jeu)

Il n'est plus simplement question d'avoir été vexée par un refus sur le moment (un registre qui est néanmoins présent au début du podcast Transfert). On comprend vite que ce n'est plus une histoire d'égo, mais qu'il y a un tort symbolique, une faute bien supérieure en jeu, et que c'est évident.

Il faut faire l'amour 4 fois par semaine, parce qu'encore une fois l'immaculée conception encore une fois, je n'y crois pas et là, va falloir travailler hein. "Pas de problème !" ah bah dis donc ! On s'y met quand ? Il faut que j'écarte les jambes maintenant là ? "Ah bah on peut réflechir... le mardi... Le jeudi..." voilà là clairement, j'éclate de rire, mais je suis très triste, bien entendu. Je me réveille la nuit, je fume des clopes je pleure, je pleure. Mon Dieu..."

Faire reconnaitre que l'on a vécu un tort immense devient impératif. L'évidence que la sexualité aurait dû être un dû dans ce contexte est un implicite qui permet de faire comprendre qu'on nous a imposé un style de vie (l'asexualité) profondément anormal et contraint :

Il savait qu'il y avait un truc qui n'allait pas, il savait que j'avais raison, il m'a maintenu pendant 5 ans en me regardant droit dans les yeux que j'étais pas normale, que j'étais folle, que je perdais la boule.

En cela, on peut dire que le mépris pour son conjoint asexuel est aussi l'expression d'une peur de la "contagion", avec toujours en toile de fond l'idée que l'asexualité est grave et anormale :

C'est comme la faim le sexe, hein, quand on n'a pas faim, qu'on mange pas pendant longtemps on a plus faim. Donc moi au fur et à mesure, ma libido elle faiblit aussi.

Cette réaffirmation de sa propre normalité se fait via un registre de dénonciation de la domination masculine : le mariage, la perspective d'avoir un enfant, l'appartement acheté à deux sont clairement identifiés comme des garde-fous empêchant la séparation. L'homme est en position de faire accepter sa vision (mais pas forcément ses limites comme nous allons le voir), et c'est la femme qui est à l'initiative de la discussion, qui nomme ce qu'elle considère comme un problème et qui cherche à préserver le couple dans une forme qui lui convaindrait (là où l'homme ne semble pas vraiment s'en soucier). Ce déséquilibre dans le travail émotionel explique aussi sans doute pourquoi le registre "inverse" (un homme cherchant des solutions pour son couple car il identifie que sa copine est asexuelle) existe beaucoup moins.

Cette recherche de "solutions", part évidement du présupposé que l'asexualité n'existe pas en tant que telle, mais est un état "dégradé" d'une sexualité "normale", que l'on peut faire revenir avec ce qui se rapproche d'une démarche corrective :

J'ai tout tenté pour essayer de lui tendre des perches, j'ai essayé de lui parler, j'ai essayé de trouver des stratagèmes pour l'exciter.

On ne retrouve pas explicitement cette dénonciation ou cette impératif à trouver une solution dans la vidéo de Broute, mais ce n'est pas pour autant que l'asexualité n'est pas mise en scène comme un problème ou une étrangeté. La femme se qualifie elle même de frustrée et le couple renvoie une image pathétique. Il est évident que cette mise en scène n'est pas faite pour que lae spectateurice ait envie d'être à leur place, c'est en quelque sorte un freak show.

En bref, on peut identifier dans le discours féminin sur l'asexualité masculine des dynamiques classiques dans un couple hétérosexuel et elles donnent du pouvoir à l'homme. Elles sont identifiées et dénoncées comme telles. Néanmoins, on se rend compte que cette critique de la domination est motivée par des présupposés appartenant à la culture du viol (le sexe est un dû), et c'est là toute l'ambivalence de ce registre. La femme qui produit ces discours a besoin de légitimer le fait qu'elle s'autonomise de son conjoint, là où structurellement tout la retient ; et cette légitimité, elle la trouve dans l'évidence culturelle que le sexe est bon et désirable, que la misère sexuelle est terrible et que l'asexualité masculine est méprisable. Cela implique nécessairement une valorisation à l'extrême d'une hétérosexualité idyllique opposée à l'asexualité masculine :

Moi, je suis pétillante, je crois au prince charmant, j'ai envie d'être amoureuse, j'ai envie de faire l'amour, j'ai envie de rire, j'ai envie d'être comme une enfant, une princesse, qu'on m'aime, qu'on me touche, j'ai envie qu'on me dise trois fois par jours "je t'aime". J'ai envie qu'on m'emmène quelque part et qu'on me dise "je te fais une surprise", on va manger là, et puis on regarde ça, et puis on trace la vie, j'ai envie de ça.

On pourrait dire que ce discours, porté par une femme dans ce contexte, lui permet de réaffirmer la supériorité de l'hétérosexualité autant qu'elle réaffirme sa propore hétérosexualité, mais pourquoi ? Parce qu'elle estime que ce qu'elle a vécu n'en était déjà plus, c'était une "mauvaise hétérosexualité" : l'asexualité. C'est tout l'enjeu symbolique qui se cache derrière cette détestation de l'asexualité masculine, faire payer ce "tort" symbolique, cet écart à la norme hétérosexuelle que représente le fait d'être en couple avec une personne asexuelle. Si l'emprise et le pouvoir de l'homme sont décrits comme des problèmes, ça n'est pas parce que c'est sexiste, liberticide et parfois mortel, mais parce que dans ce cas précis, cet homme asexuel ne peut pas être un bon parti : il ne correspond pas à la norme hétérosexuelle idyllique décrite plus haut. C'est pour cela que ce discours ne peut pas être qualifié de féministe malgré la mobilisation d'une réthorique de dénonciation de la domination masculine : il réaffirme comme une évidence un idéal libéral des relations amoureuses, où chaque partenaire irait librement "trouver chaussure à son pied", mais où l'idéal masculin est, bizarrement, en tous points celui de la norme patriarcale (un homme entreprenant, galant et certainement pas asexuel).

"Réussir sa vie"

Comment expliquer que des femmes défendent le patriarcat, un système qui les déshumanise, les maltraite jusqu'à les tuer ? Dans le cas du discours qui nous intéresse ici, cette interrogation est d'autant plus légitime qu'il est malgré tout imprégné d'une culture féministe libérale post-metoo dans son traitement de l'intime, mais aussi post "révolution" sexuelle, car la "misère sexuelle" féminine devient culturellement audible. Dans le podcast de Transfert, La narratrice appelle plusieurs fois ironiquement son idéal de couple "ma fiche bristol" (dans le sens d'une liste de critères qu'elle veut atteindre avec son homme). Si c'est une mise à distance par rapport à l'hétérosexualité, en cela qu'elle n'est plus forcément naturelle mais construite, anticipée, ça n'empêche pas sa valorisation non plus:

On est pas forcément amoureux de son conjoint, on est aussi attaché à l'environnement qu'on se crée, les amis, tout ça, et puis la pression, et puis tout le monde parle de mariage et des enfants, donc voilà tout le monde est super content pour nous "vous allez acheter un appartement c'est super", tout le monde nous aime pour ce que l'on est. Ca constitue mon bonheur.

Ces affects positifs associés au couple, au quotidien, sont déjà un premier moteur puissant dans cette défense féminine de l'hétérosexualité.

Cependant, et comme le rappelle Andrea Dworkin, si les femmes ont souvent été dépeintes par les hommes comme conservatrices par nature, c'est bien à cause d'une lecture biologisante d'une construction sociale des sexes, où la socialisation féminine et les risques matériels qu'impliquent la rebellion, font que "les femmes en tant que classe adhèrent assez strictement aux traditions et aux valeurs de leur contexte social, quel qu’il soit." [3]. Il faut aussi prendre en compte le fait qu'être en couple hétérosexuel est structurellement plus coûteux pour une femme que pour un homme sur de nombreux aspects: avoir des enfants ralentira la carrière des femmes, ce qui aura tendance à les isoler, alors même qu'elle décharge le mari des tâches domestiques, peu valorisées. En échange, l'hétérosexualité fait miroiter la stabilité, la protection et une voie d'ascension sociale non négligeable dans une société marquée par le sexisme (être "la femme de"). Le prisme du regard masculin désirant devient une validation sociale importante, presque existentiel. En bref, autant d'éléments d'une vie "réussie". Cette réussite, l'insertion dans la société et le sentiment de normalité sont autant de rétributions implicites que l'hétéro-patriacat promet aux femmes qui s'y soumettent.

La détestation féminine de l'asexualité masculine ne remet pas en cause le fait que l'hétérosexualité serait bonne pour les femmes, au contraire. Le registre méprisant est autant une réaction de défense face à la frustration que crée la domination masculine (qui empêche de quitter le couple), qu'elle est induite par le fait "d'avoir joué le jeu du patriarcat" et de quand même être perdante et frustrée, à l'inverse de son homme asexuel.

Les hommes respectent rarement leur part du marché telle [que les femmes l'entendent...]. Mais la conformiste militante a tellement donné d’elle-même – son travail, son cœur, son âme, souvent son corps, souvent ses enfants – que cette trahison ressemble au dernier rivet d’un cercueil"[4]

Cela permet d'expliquer pourquoi, malgré la pression et le mépris de leur compagne, les hommes asexuels en couple hétéro peuvent eux-même tout faire pour maintenir cette situation. Elle n'est finalement pas si différente que n'importe quel couple où l'homme peut se désengager sans trop de soucis, et sans vraiment voir le problème.

ça fait deux ans et demi qu'on est ensemble et je reste parce que malgré tout il arrive à me... il me dit ce que j'ai envie d'entendre [...] "un jour on va atteindre nos objectifs, un jour on se mariera, la vie, tu connais pas, moi je connais" [...] je me dis, après tout, t'es trop conne, il a raison. J'arrive à m'auto-convaincre

Trouble dans le genre

Si, comme je l'ai dit plusieurs fois, il est évident que les femmes qui produisent ces discours subissent une forme de domination (symbolique et économique), il est marquant de voir qu'elles peuvent néanmoins mobiliser à leur compte des discours hégémoniques habituellement associés au masculinisme (la misère sexuelle). Elles peuvent le faire parce que la masculinité de leur conjoint est considérée comme "anormale", elle est asexuelle. Ce retournement discursif s'accompagne aussi d'un brouillage des normes de genre, de qui domine qui, et contribue à en faire un registre comique dans la vidéo de Broute.


"ça inverse un peu les rôles, parfois je deviens reloue comme un mec" (description de l'image: elle touche l'entrejambe de son compagnon, passif et distant)

Dans le même ordre d'idées, la femme du podcast Transfert réutilise le terme "béquille" pour parler du fait de n'avoir pas eu de rapport, sans doute faute d'avoir une expression équivalente associée à la sexualité féminine et cisgenre.

Une des constantes de ces discours est qu'ils décrivent des situations d'agression ou de harcèlement sexuel. On parle de répetition dans les refus (et donc dans les demandes), on nous fera comprendre que le partenaire asexuel "bande" (et qu'il y a donc bien eu palpation pour le savoir). Dans le podcast de Transfert, on nous décrit ainsi une scène ou la femme (ayant été éconduite) va épier l'intimité de son conjoint sans son consentement:

"je décide de regarder par le trou de la serrure et là je vois T en train de se masturber [...] il ne savait pas que je le voyais"

Ces récits euphémisent la violence de ces actes puisque la notion de "tort" décrite plus haut n'est pas du côté de l'agresseuse, qui produit de toute façon le discours.

On pourra aussi retrouver dans ce registre des questionnements sur le caractère pathologique ou puéril de la personnalité du conjoint. L'asexualité reste associée à la maladie et à l'enfance, des états qui l'exclueraient de la sexualité et donc questionnent le genre du partenaire, l'associe a des masculinités subordonnées.

Conclusion

Les discours féminins hétérosexuels sur l'asexualité masculine sont paradoxaux: ils sont proches du registre féministe libéral dans la façon dont ils abordent l'insatisfaction sexuelle féminine (ils identifient et critiquent réellement la domination masculine au sein du couple hétérosexuel) mais se légitiment en remobilisant l'évidence sexuelle et des éléments de la culture du viol ; ils réaffirment la supériorité et l'évidence d'une "bonne hétérosexualité", positive pour femmes, mais de laquelle s'éloigne forcément l'asexualité masculine du fait de la "dysfonction sexuelle", qui est donc vue comme particuliérement monstrueuse et anormale.

On peut comprendre ces discours comme l'expression nouvellement audible d'une colère féminine, celle de subir la violence de la domination masculine, mais sans les rétributions que promettait la société patriarcale post libération sexuelle (parmi lesquelles une sexualité qui libère, épanouie), mais avec ceci de particulier que ces discours ciblent l'asexualité masculine comme le problème.

Il est important de mettre à jour le caractère réactionnaire de cette détestation de l'asexualité masculine car elle est pétrie de culture du viol sous couvert d'un vernis d'émancipation féminine. L'asexualité, en tant "qu'extrême", devient une figure repoussoir de la culture du viol, un autre monstrueux que l'on ne veut pas être (et avec qui on ne veut pas être). Comment créer les conditions d'un consentement sincère quand refuser nous rapproche un peu plus à chaque fois du drame que serait l'absence de sexualité ? L'asexualité semble cristalliser un backlash face aux avancées féministes, un espace où l'idée que "le sexe doit être consenti" trouverait une exception spectaculaire.

Si ce registre contient souvent des narratifs d'agression et de harcèlement sexuel euphémisés visant des hommes parce que asexuels, une culture du viol plus forte et normalisée est aussi et avant tout dangereuse pour les femmes, d'autant plus qu'elle sont aussi oppressées par ailleurs (parce que précaires, handicapées, racisées, trans, lesbiennes ou asexuelles, etc.).
Une valorisation féministe de l'asexualité (masculine et féminine), accompagnée d'une critique de l'imposture que represente l'hétérosexualité pour les femmes, peut apporter une réponse face à l'acephobie de ces discours.


  1. Adrienne Rich, La contrainte à l'hétérosexualité et l'existence lesbienne ↩︎

  2. Christine Delphy, l'ennemi principal ↩︎

  3. Andrea Dworkin, Les femmes de droite ↩︎

  4. ibid ↩︎