Contre la proposition de loi LR dite "Prise en charge des mineurs en questionnement de genre"

La proposition de loi n°435 du groupe LR au Sénat s'inscrit dans la suite du rapport du même groupe, publié en mars 2024, nommé “La transidentification des mineurs”. Cette loi s’inscrit dans un cadre stratégique, hérité de la Manif pour tous mais aussi de groupes qui ont eu une approche similaire ailleurs (notamment la Heritage Foundation aux États-Unis).

Cette stratégie implique de ne plus expliciter un rejet des sexualités et genres marginalisés, mais de s’inscrire dans une forme de respectabilité pour toucher une plus grande audience. Cette respectabilité passe par la défense d’un public en particulier, les enfants. Le rapport explicite des liens entre plusieurs acteurs associatifs réactionnaires, comme l’Observatoire de la petite sirène (Caroline Eliacheff et Céline Masson, directrices de cette association, y font office d’expertes) et Ypomoni, association de “parents”.

C’est également une façon pour Les Républicains de montrer la force de la structuration des groupes anti-trans en France comme à l’étranger. Les deux acteurs précédemment cités s’appuient sur les arguments et “travaux” publiés par deux types de groupes, des associations qui articulent leurs arguments anti-trans sur une base symbolique (expertise dans des domaines qui n’impliquent pas la transidentité) et d’autres qui revendiquent une proximité avec des adolescent·es trans (associations de “parents concernés”, ou “inquiets”). On y trouve Genspect, Gender Dysphoria Alliance, deux associations nord-américaines, ou encore le groupe Cass Review, mobilisé par la National Health Service en Angleterre.

Cette proposition de loi s’inscrit également dans un cadre plus large, suivant les exemples de mobilisation civile et politique réactionnaires dans d’autres pays, comme le Royaume-Uni, les États-Unis, la Hongrie ou la Russie.

Si la France est sortie d’un modèle de transition unique, médicalisé et fortement lié à la psychiatrie, le mouvement anti-trans porté par l'OPS espère y revenir dans un premier temps, jusqu'à permettre la disparition sociale de toute personne trans*. L’approbation du texte rendrait impossible pour les mineurs d’accéder à des bloqueurs de puberté, des hormones et des opérations chirurgicales. Par mineur il faut entendre des adolescent·es, public concerné par les interdictions (précisé dans le rapport avec la classification Tanner, stade II).

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La classification de Tanner est utilisée pour décrire l'avancée physiologique pubertaire, et est divisée selon les archétypes h/f.
Pour + d'info : https://afpa.org/outil/stades-de-tanner/

Les bloqueurs de puberté permettent de mettre la puberté en pause en inhibant la testostérone. L’arrêt de la prise de bloqueurs permet de reprendre la puberté. Ils ne présentent pas plus de danger que la pilule, pourtant prescrite au même public. Les hormones sont destinées aux personnes qui sont déjà certaines de leur choix, et les opérations chirurgicales sont dans les faits pratiquées après 18 ans révolus. Tout ceci se fait sur autorisation des parents.

La loi sollicite également un renforcement des moyens à destination de la pédopsychiatrie, aussi bien qu’une thérapie de conversion à l’encontre des “jeunes qui présentent des troubles psychopathologiques majeurs” (formule présente dans le rapport). En mettant en avant des “troubles psychopathologiques majeurs”, la promulgation de la loi reviendrait sur l’interdiction des thérapies de conversion de façon insidieuse.

D’une façon similaire à ce que les personnes psychiatrisées vivent, les personnes trans se voient refuser leur autonomie corporelle, ce qui devrait nous inviter à élargir la lutte anti-trans avec des mouvements anti-psy. Si nous nous contentons de ce que nous avons déjà, et quand bien même cette proposition de loi ne passerait pas, certaines personnes trans sont déjà privées d’autonomie corporelle. Nos ami·es, camarades, compagnon·nes institutionnalisé·es ou impacté·es par des obligations de « soin » (en hôpital de jour, en hôpital psychiatrique, en foyer) méritent également qu'on tienne compte de leur voix dans cette lutte.

Il faut donc absolument parler d’anti-psychiatrie puisque cette loi s’inscrit dans un dispositif psychiatrique, présenté comme « un soin » à destination des adolescent·es.

On peut noter que la proposition de loi est moins ambitieuse que les préconisations du rapport, qui invitaient à la censure de certaines associations, en refusant qu’elles puissent intervenir dans le cadre scolaire (notamment le Planning familial, particulièrement attaqué pour sa soi-disant promotion de la transidentité), à la suppression de la circulaire Blanquer (cadre qui permettait d’améliorer la prise en compte de la transition sociale à l’école) et le refus du prénom d’usage (ce qui peut impacter bien d’autres personnes que les adolescent·es trans), ainsi que la revue des dispositifs administratifs (actes, formulaires, enquêtes) afin de supprimer la mention d’un sexe à l’état civil autre que homme/femme. Il était également préconisé de surveiller l’évolution des programmes scolaires.

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Le Planning familial a notamment été attaqué à plusieurs reprises par rapport à son approche communautaire des personnes trans :
https://www.leparisien.fr/societe/transphobie-le-planning-familial-denonce-des-attaques-en-ligne-de-militants-dextreme-droite-19-08-2022-MG7IXSG3CFELVN7PD47QGSZRAY.php

Ces attaques ont culminé avec la demande de couper les subventions à une association qui s'occupe, entre autres, d'accueillir des personnes pour des suivis gynéco, la possibilité d'y trouver un suivi social, possibilité d'y obtenir une contraception.
https://www.francebleu.fr/infos/societe/le-planning-familial-s-alarme-des-appels-a-couper-ses-subventions-8694358

Aux États-Unis, c’est plus de 500 lois anti-trans qui ont été proposées depuis 2021 dans les différents États et au niveau national, allant de la pénalisation de l’utilisation des toilettes, de cabines d'essayage, de cabines de change, à l’interdiction de pratiquer un sport dans notre genre actuel, jusqu’à l’interdiction d’accès à des soins (hormones, chirurgies médicales, etc.), ainsi qu’une loi dans l’État de Floride qui censure les écrits et expressions des sexualités et genres marginalisés à l’école.

2024 Anti-Trans Bills: Trans Legislation Tracker
2024 anti-trans bills tracker. Explore data on U.S. anti-trans legislation including passed bills and themes including sports, bathrooms, healthcare, pronouns, drag shows, and education.
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Exemple d'une loi proposée cette année, dans le Missouri, le 29 février 2024 :
Elle établit un délit de contribution à la transition sociale et exige que la personne soit inscrite au registre des délinquants sexuels si elle est coupable de ce délit.
Plus d'infos ici : https://translegislation.com/bills/2024/MO/HB2885

Pour récapituler, la proposition de loi LR, première pierre d’une validation étatique du mouvement anti-trans, invite à complexifier l’accès à notre autonomie corporelle, à renforcer les discours psychiatriques sur les personnes trans mais aussi de façon plus large sur toute personne marginalisée.

Voilà autant de raisons de lutter contre cette loi déposée par le groupe LR au Sénat. Voilà autant de raisons de lutter non pas seulement "pour les personnes trans", mais s'engager de façon à maximiser l'autonomie corporelle de toute personne et lutter du même coup contre l'eugénisation, de la marge au centre.