Ce que nous demandons en tant qu'aromantiques et asexuel-le-s
L'année passée, en France, la nouvelle loi sur la PMA dite "pour toutes" (bien qu'elle exclue les personnes trans) a pu permettre à nombre d'aromantiques et d'asexuel-le-s de plus facilement se projeter dans une parentalité sans sexualité partagée, puisqu'elle concerne maintenant les personnes célibataires.
Cette avancée a été possible grâce au militantisme de longue haleine de nombreuses associations LGBT et de militantes lesbiennes. Cette lutte politique, bien qu'elle nous apporte des droits en tant qu'aro/ace, n'a pas été portée par des militant-e-s en tant qu'aro/ace. La faute, peut-être, à un réseau jeune et peu structuré en France qui peine à visibiliser, intégrer et articuler ces identités à une culture politique féministe intersectionnelle.
Et pourtant l'asexualité et l'aromantisme sont des sujets queer et féministes profondément liés aux dominations. La critique de l'hétérosexualité peut et doit s'accompagner d'une critique de la simplicité apparente et du caractère prétendument "émancipateur" de la sexualité post-libération sexuelle. Les attaques contre la culture du viol ne peuvent être totalement victorieuses si la sexualité reste un marché rentable pour les capitalistes qui y associent tous les bienfaits du monde, et si la médecine et la psychiatrie continuent de pathologiser le refus du sexe, l'éloignement du couple ou ce qu'elles qualifient de dysfonction sexuelle, en proposant des "thérapies" en conséquences.
Le combat aroace est anticapitaliste et anti-psychiatrie, c'est celui des cassé-e-s, les frigides et les puceaux ; celui des traumatisé-e-s aussi, celleux qui on ressenti la violence, l'aliénation sexiste, raciste, transphobe ou validiste au plus profond de leur désir. Bref, toustes celleux qui ne peuvent pas faire comme si la norme hétéro-patriarcale et sa sexualité naturelle et enthousiaste avait quoi que se soit avoir avec la réalité de leurs désirs et besoins.
Nous sommes une population particulièrement exposée aux violences sexuelles et à la psychiatrisation, et d'autant plus en étant minorisé-e par ailleurs parce que racisé-e, handi, précaire, TDS, trans, inter, gay, bi-e ou lesbienne. Si une visibilité positive et une meilleure formation et sensibilisation des professionnel-le-s de santé est importante, comment cela pourrait-il suffire quand quasiment tous les diags psy abordent l'absence de sexualité ou le refus d'être en couple comme des symptômes, de la dépression à la schizophrénie en passant par le trouble de la personnalité schizoïde et le trouble du désir sexuel hypoactif ? Un changement de paradigme radical est urgent face aux besoins de notre communauté, quand plus de la moitié d'entre nous ont déjà eu des pensées suicidaires, et que 15% ont déjà tenté de se suicider.
En cette période où une nouvelle offensive réactionnaire anti-trans tente de diaboliser la transition en jouant sur la peur que cela rendrait asexuel-le, enterrerait la possibilité d'une vie de couple et que cela ferrait partie d'un seul et même "agenda" trans et asexuel coordonné, on voit bien en quoi une perception transphobe et fétichisante des sexualités trans fait bon ménage avec la réaffirmation que l'asexualité et l'aromantisme serait des déchéances terribles et contre-natures. Il faut lutter contre ces deux rhétoriques.
Nous demandons:
- Une mention explicite de l'asexualité et de l'aromantisme dans les textes de lois protégeant des discriminations et violences en raison de l'orientation sexuelle (en particulier les thérapies de conversions).
- Une meilleure formation des professionel-le-s de santé sur ces questions et la fin de la pathologisation de nos identités, ce qui implique un changement radical de ce qui est considéré comme la norme "saine" en terme de sexualité et de relations.
- Une meilleure prise en compte des victimes de violences sexuelles à tous les niveaux (la justice, société, entreprise, médical), ce qui implique des conséquences concrètes pour les agresseurs.
- La mention explicite de l'asexualité, de l'aromantisme dans les ressources pour l'éducation sexuelle, en complément d'informations claires et non culpabilisantes sur la diversité sexuelle et les IST.
- La création et le développement d'événements, de lieux et de réseaux par et pour les aro/aces pour l'auto-support, l'échange, la construction ou la reconstruction en marge de cette société hétéro-patriarcale hypersexualisée.
En ce mois des fiertés, nous, asexuel-le-s, aromantiques, militons contre l'injonction à la sexualité, au couple, la culture du viol et toutes les formes de dominations qui y sont liées et qu'elles renforcent.